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Resmusica, 29 novembre 2019 |
par Dominique Adrian |
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Korngold: Die tote Stadt, Bayerische Staatsoper, ab 18. November 2019
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La ville morte à Munich par Kaufmann et Petrenko
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Tant pis pour une Marietta sous-dimensionnée et une mise en scène banale dans cette Tote Stadt de Korngold : à l’Opéra de Bavière, l’événement est d’abord musical.
Monter La Ville morte à l’Opéra de Munich, cela paraît une évidence
plusieurs décennies après la création. Le compositeur lui-même avait pu
assister à une représentation en 1955, non pas dans le Nationaltheater alors
toujours en ruine, mais au Prinzregententheater. Pourtant, l’œuvre est
singulièrement absente de la capitale bavaroise ces dernières décennies,
aussi bien à l’Opéra qu’au Théâtre de la Gärtnerplatz, l’autre opéra de la
ville. Au moins l’Opéra a su donner à cette nouvelle production des atouts
solides, à commencer par le chef, Kirill Petrenko, ardent défenseur de
l’œuvre. Avec lui, l’Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière est toujours à
son meilleur niveau, et le travail effectué par l’orchestre et son directeur
musical est un élément essentiel de la réussite de la soirée. Il donne à
Korngold tout ce qu’on peut attendre en matière de surfaces brillantes, de
chaleur des couleurs, de luxuriance des textures, mais il va bien au-delà,
dans des atmosphères plus sombres, plus grinçantes parfois, au risque de
moins flatter l’oreille qu’on pourrait s’y attendre, mais au bénéfice du
drame.
L’autre atout de la soirée est la distribution luxueuse
affichée par l’Opéra de Bavière. La moins satisfaisante est sans nul doute
Marlis Petersen, qui ne construit son personnage qu’à force de suractivité
scénique, au point de livrer une caricature de son personnage ; le rôle
dépasse nettement ses moyens, et sa voix mate disparaît souvent dans les
volutes de l’orchestre. Mais Jennifer Johnston est bien plus qu’une
silhouette en Brigitta, et Andrzej Filończyk est une belle découverte dans
le rôle de l’ami de Paul.
Mais c’est naturellement Jonas Kaufmann qui
est l’atout majeur de cette production : on ne peut pas ne pas entendre, par
moments, l’épreuve que ce rôle terrible constitue pour lui comme pour bien
d’autres avant lui, mais il les affronte vaillamment, et il sait faire vivre
les longs monologues tendus de son rôle, où les exigences de diction
s’ajoutent aux épreuves purement vocales. Des moments plus élégiaques comme
la « dernière strophe » du Lied de Marietta ou la reprise finale du même
Lied sont des moments de rêve, la voix d’une légèreté onctueuse, la
sensibilité à fleur de peau. Par la voix comme par le jeu, Kaufmann est la
figure centrale qu’il faut à cet étrange opéra où le rêve est bien plus
concret que la réalité.
Exception dans les saisons munichoises, cette
nouvelle production n’en est pas une : elle n’est que l’adaptation d’une
production bâloise de 2016, réalisée ici pour l’essentiel par une assistante
de Simon Stone, trop occupé par le tournage d’une série Netflix – la presse
allemande indique qu’une nouvelle production signée Stefan Herheim était
initialement prévue. Il faut le savoir pour le voir : telle quelle, la mise
en scène n’a à vrai dire pas d’âge, et son efficacité prosaïque qui se garde
bien de toute interprétation pourrait aussi bien dater des années 1990. Vous
voulez voir les roses demandées par Paul ? Pas d’inquiétude, elles sont bien
là dans la quantité demandée. L’appartement cossu et triste du premier acte
se dissout en fragments empilés au hasard dans la longue parenthèse du rêve
de Paul, avec la logique diffractée des rêves ; Stone, en 2016 déjà, avait
la manie de la scène tournante, qui lui permet de varier les points de vue
mais finit toujours par tourner à vide. L’histoire n’en est pas moins
honnêtement racontée, les personnages correctement construits : pour qui ne
demande pas plus à une mise en scène d’opéra, le contrat est rempli – un
chef et un ténor d’exception offrent ce que la scène n’offre pas.
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