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Forum Opera |
Par Jean Michel Pennetier |
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Wagner: Konzert, New York, Carnegie Hall, 12. April 2018 (Tristan, 2. Akt)
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Premiers pas de Jonas Kaufmann en Tristan
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Après Boston quelques jours auparavant
et pour deux soirées, Jonas Kaufmann retrouvait Tristan pour un concert
unique de l'acte II à Carnegie Hall. Il faudra encore attendre quelques
années (trois, semble-t-il) pour pouvoir entendre le ténor allemand dans
l'opéra intégral, mais ces premiers pas constituaient une étape importante
dans l'appropriation de ce rôle difficile entre tous. Très en voix, Jonas
Kaufmann offre une interprétation tout en finesse, avec une grande
intelligence du texte, et sans maniérisme. Le chanteur semble plus à l'aise
que lors du premier concert radiodiffusé. La projection est bien gérée, afin
de tenir la distance, et le ténor est toujours audible même s'il faut
parfois que l'auditeur aille chercher un son qui ne remplit pas
naturellement le vaste auditorium. Kaufmann n'est vraiment héroïque et
libéré que pour le finale de l'acte. Précisons que la partie habituellement
coupée qui précède le duo de la Liebesnacht est ici rétablie. Dans les
conditions actuelles, Kaufmann aurait-il pu enchaîner avec l'acte III ? Rien
n'est moins sûr, mais au studio le résultat pourrait être somptueux.
Dramatiquement, le chanteur nous a aussi laissé un peu sur notre faim :
comme pour son Don José, on a encore l'impression d'entendre le brave type
qui n'a pas de bol. Rome ne s'est pas faite en un jour.
Camilla
Nylund faisait semble-il également ses premiers pas en Isolde. La voix est
lyrique et le timbre est agréable. Mais nous entendons une Elsa von Brabant,
une Elisabeth de Tannhäuser, à la limite une Sieglinde. Pour Isolde, la voix
manque de corps. Certains aigus sont même un peu truqués, émis en arrière
sans projection, privant le chant d'impact. Pris comme une page isolée, leur
duo est néanmoins sublime de beauté. Mais il y manque cette angoisse sourde
propre à la menace qui plane et qui est clairement exprimée par la musique :
Tristan et Isolde ne sont pas deux jeunes Roméo et Juliette insouciants. Il
y manque également l'expression de cette tension implacable qui monte vers
le coitus interruptus. Il est toutefois difficile ici de faire la part des
choses entre l'interprétation des chanteurs et celle du chef.
Andris
Nelsons offre ici en effet une lecture plutôt hédoniste de la partition,
sans chercher à théâtraliser la musique. Les voix baignent dans le son
plutôt qu'elles ne dialoguent avec l'orchestre (une approche qui rappelle le
Karajan tardif). Fidèles à leur réputation, les cordes sont magnifiques, en
cohérence avec l'interprétation musicale, mais l'orchestre n'est pas parfait
(les cors en particulier) avec quelquefois de minuscules décalages.
Les émotions les plus authentiquement wagnériennes viennent de là où on ne
les attendait pas nécessairement. Le roi Marke de Georg Zeppenfeld est
impressionnant de puissance. L'incarnation dramatique est justement
équilibrée, renforcée par la relative jeunesse de l'interprète, rival
crédible de Tristan. Son intervention lui vaudra une formidable ovation aux
saluts. Mihoko Fujimura apporte à Brangäne l'urgence voulue. La voix est
puissante (voire très puissante à certaines occasions !) avec un timbre
riche. Andrew Rees offre un Melot impeccablement projeté et dramatiquement
engagé : pendant quelques minutes on se serait crû à la scène et non plus au
concert !
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