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Le Figaro, 17/02/2018 |
Par Nicolas d'Estienne d'Orves |
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Wolf: Italienisches Liederbuch, Paris, 14. Februar 2018
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Philharmonie de Paris: Jonas Kaufmann et Diana Damrau interprètent Hugo Wolf
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Le duo Jonas Kaufmann et Diana Damrau semble idéal pour transcender l'Italienischer Liederbuch. |
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Musique et amour, amour et musique: un
équilibre éternel et si complexe. Une complémentarité d'autant plus
nécessaire que les compositeurs n'ont cessé de la guigner, depuis l'aube des
temps et des notes. Quoi de plus transcendant qu'une passion qui se drape de
mélodie?
L'histoire de l'opéra est aussi celle de l'amour en scène,
avec ses extases et ses fracas. Car les tourments du cœur ne sauraient aller
sans le chant, donc le cri. Pas une œuvre lyrique (chef-d'œuvre ou navet)
qui n'aborde le thème essentiel du rapport amoureux. Comme si le chant, la
voix étaient la respiration naturelle du cœur.
Cette respiration,
Hugo Wolf (1860-1903) l'a portée à son plus haut point de raffinement,
d'élégance et de subtilité. Disciple de Wagner, compagnon de route de Mahler
et élève de Bruckner, ce musicien austro-hongrois, mort fou à 42 ans, a bâti
une cathédrale intimiste à la gloire de qui est la boîte au trésor de la
musique allemande: le lied. À l'instar de Schubert et Schumann, il
transfigure cet art faussement léger pour lui trouver des abîmes de
profondeur, de richesse, de lucidité, d'humanité. Lui qui a été formé aux
sons du grand orchestre romantique wagnérien a (presque) toujours composé
pour le piano et la voix. Une œuvre confinant à l'épure, offrant aux
chanteurs qui l'abordent une palette infinie. Redoutable exercice,
d'ailleurs, que celui du lied. Les artistes y sont sans filet: impossible de
se cacher derrière l'orchestre, des partenaires, un décor. Ici, c'est la
voix «à nu», à la fois abrasive et pudique, livrée dans sa plus absolue
simplicité. Pour interpréter Hugo Wolf, il faut donc un métier, une
expérience et une sensibilité à toute épreuve.
Délicatesse du timbre
et du jeu
Le duo Jonas Kaufmann et Diana Damrau semble idéal pour
transcender l'Italienischer Liederbuch, ce recueil de textes italiens
traduits en allemand, qui compte parmi les merveilles de son auteur. Les
artistes sont de la même génération (celle de Wolf à sa mort, d'ailleurs),
ils possèdent la même culture, affichent le même parcours, presque la même
identité. Damrau est célèbre pour la délicatesse de son timbre et un jeu
tout en nuances. On se rappelle sa Traviata, sur la scène de la Bastille.
Quant à Kaufmann, s'il est considéré aujourd'hui comme l'un des meilleurs
ténors du globe, on sent chez lui une appétence pour la rigueur et la
richesse du lied. Les spectateurs parisiens qui l'ont entendu dans
Lohengrin, voici deux ans, se rappelleront un «récit du Graal» presque
murmuré, devant une Bastille médusée: Wagner se tournait alors vers
Schubert. Avec lui tout est affaire de nuances, presque de non-dits. Voilà
pourquoi cette soirée devrait être un moment d'exception. Et s'il est un
concert classique pour célébrer la Saint-Valentin, ce ne saurait être que
celui-ci.
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