|
|
|
|
|
Forum Opera, 15 Février 2018 |
Par Christian Peter |
|
Wolf: Italienisches Liederbuch, Paris, 14. Februar 2018
|
|
L'amour dans tous ses états
|
|
Hugo Wolf, Italienisches
Liederbruch (Diana Damrau et Jonas Kaufmann) |
|
Composés entre 1890 et 1896, les
Italienisches Liederbruch sont un recueil de quarante-six mélodies de courte
durée, une à deux minutes tout au plus, sur des textes anonymes tirés de
chants populaires vénitiens ou toscans, traduits de l’italien par Paul
Heyse. La plupart comportent six à dix vers et toutes sont centrées sur une
des multiples facettes du sentiment amoureux, un thème idéal pour un soir de
Saint-Valentin.
Egalement répartis entre une voix de femme et une
voix d’homme, ces Lieder montrent des caractères différenciés : la jeune
femme est facétieuse (« Schweig einmal still »), exigeante, capricieuse
parfois (« Wer rief dich denn »). Dans son dernier morceau ( « Ich Hab in
Penna ») elle fait la liste de ses conquêtes telle un Don Juan au féminin.
En revanche, son amoureux est dépeint comme un tendre, un homme romantique
(« Wen du mich den Augen streifst »), passionné jusqu’à l’exaltation (« Heb
auf dein blondes Haupt ») mais également rusé (« Geselle, woll’n wir uns in
Kutten hüllen »).
Rarement donné en concert, notamment en France, ce
cycle proposé à la Philharmonie de Paris dans le cadre des Grandes Voix est
défendu par deux chanteurs qui se hissent sans peine au niveau des plus
grands artistes dont le disque a préservé l’interprétation, Dietrich Fischer
Dieskau et Elisabeth Schwartzkopf, notamment. Pour la circonstance, l’ordre
des Lieder a été modifié afin de donner au recueil la forme d’un dialogue en
quatre parties, voire d’un mini opéra à deux voix au cours duquel les
protagonistes se livrent à des jeux de scène parfois cocasses mais toujours
en situation. Par exemple à « Gesegnet sei, durch den di Welt entstand »
répond « Gesegnet sei das Grün » qui invite la soprano à jouer avec son
étole verte tandis que le ténor orne sa veste d’une pochette de la même
couleur.
Vêtue d’une élégante robe noire à fleurs rouges, Diana
Damrau a paru dans une forme éblouissante. La voix bien projetée, le medium
chatoyant, l’aigu radieux, la ligne de chant nuancée qui épouse les divers
affects de son personnage et son impeccable diction contribuent à faire de
son interprétation un bonheur de chaque instant. Sur le plan scénique la
soprano allemande n’est pas en reste et passe avec un égal bonheur de la
jeune fille inquiète pour son amoureux (« Ihr, jungen Leute ») à la coquette
aux œillades assassines, tour à tour boudeuse ou provocante (« Du denkst
mich einem Fädchen »), réservée ou ironique, qu’elle se trémousse ou se
drape dans l’une de ses étoles de différentes couleurs, elle est un
spectacle à elle toute seule.
Son partenaire n’est pas en reste. Dès
son premier Lied on entend une voix pleine, ronde et saine, débarrassée de
toute trace de fatigue. Les problèmes de santé du ténor bavarois semblent
appartenir désormais au passé et c’est avec un immense soulagement que les
fans ont retrouvé le Jonas Kaufmann d’autrefois avec ce timbre sombre au
charme envoûtant capable de sons filés en voix mixte sur le souffle ou
d’accents autoritaires quand le texte l’exige, un texte qu’il cisèle avec un
raffinement inouï et ce talent de diseur qu’on lui connaît. Scéniquement, le
ténor campe avec un égal bonheur, le jeune homme timide et un peu gauche,
l’amoureux blessé ou l’amant exalté.
Au piano, l’excellent Helmut
Deutsch propose un accompagnement subtil, d’un raffinement extrême, en
parfaite osmose avec les chanteurs. La soirée se conclut en beauté avec un
magnifique Unter'm Fenster de Schumann.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|