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Resmusica, Le 9 juillet 2018 |
par Dominique Adrian |
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Wagner: Parsifal, Bayerische Staatsoper, ab 28. Juni 2018
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PARSIFAL À MUNICH, LA PERFECTION MUSICALE
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Il n’y a rien à tirer de la
mise en scène de Pierre Audi, mais ce Parsifal est un événement musical de
tout premier plan grâce à une distribution exceptionnelle. |
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Il suffisait au fond de lire la
présentation de ce spectacle lors de la parution du programme de l’Opéra de
Munich il y a quinze mois pour savoir à quoi s’en tenir : un chef au sommet
de son art, une distribution cinq étoiles, et un arrangement scénique tenant
lieu de mise en scène, dans les décors d’une star de l’art contemporain
novice au théâtre. Le résultat est donc conforme aux attentes, mais il
mérite bien qu’on s’y attarde au-delà de ce simple constat.
Passons
vite sur l’aspect scénique : heureusement, ces chanteurs savent jouer, et
les meilleurs moments sont au fond ceux où ils sont en roue libre – toute
comparaison avec le travail foisonnant et signifiant de Calixto Bieito à
Stuttgart est proscrite. Audi prend bien garde de ne jamais esquisser une
quelconque tentative d’interprétation, se contentant d’une mise en place qui
ne recule pas devant la facilité. Au moins ceux qui n’aiment pas que les
metteurs en scène soient trop interventionnistes seront ravis.
C’était après tout attendu : l’essentiel ici devait être le travail de
Baselitz, conçu par lui-même comme une rétrospective d’un demi-siècle de
création. C’est peu dire que la déception est à la hauteur de cette ambition
: on retrouve certes sa manière dans les corps tête en bas des rideaux de
scène, mais une fois qu’ils s’ouvrent, le spectateur est confronté au néant.
La forêt d’arbres stylisés en volume du premier acte tue l’espace théâtral,
et si l’espèce de totem qui abrite le dévoilement du Graal n’est pas une
mauvaise idée, la manière dont la forêt s’effondre à la fin de l’acte est
ridicule. Au second acte, une simple paroi peinte façon château fort monte
au début de l’acte et descend à la fin ; quand s’ouvre le rideau sur le
troisième acte, c’est la forêt du premier qui réapparaît la tête en bas :
c’est d’autant plus consternant que ces deux actes sont plongés dans une
même pénombre qui est un des clichés les plus éculés de la mise en scène
wagnérienne. Quel dommage que l’Opéra de Munich ait pour si peu mis au rebut
un des trésors de son répertoire, la mise en scène de Peter Konwitschny,
créée certes en 1994, au siècle dernier, mais si forte et si intelligente !
À l’exception d’un Titurel chantant hors scène et à peu près inaudible,
l’Opéra de Bavière a réuni une distribution insurpassable, jusques et y
compris les filles-fleurs, prises dans la troupe et le studio lyrique de la
maison – une artiste comme Golda Schultz en fille-fleur, quel luxe. Parmi
les étoiles de la distribution, c’est sans doute (il en faut un) René Pape
qui nous aura le moins convaincu, en comparaison par exemple avec Christof
Fischesser, remarquable Gurnemanz ce printemps à Zurich : la richesse du
timbre de Pape n’est pas une découverte, la diction est précise et
intelligente, mais il lui manque une force de profération, et peut-être un
peu de passion.
En Amfortas, Christian Gerhaher surprend : lui, le
suprême Liedersänger, n’allait-il pas par la parole transcender la
souffrance du roi pêcheur en une souffrance d’abord spirituelle ? Pas du
tout : sa douleur est aiguë, physique, et il en éprouve une sourde colère,
presque une révolte, contre lui-même, contre cette mort qui ne vient pas. Il
est rare chez lui que la théâtralité prenne ainsi le pas sur la beauté du
timbre et même sur la force des mots, mais le résultat est très convaincant.
Wolfgang Koch, pilier de la maison, en est en quelque sorte le miroir : pas
de noirceur charbonneuse chez son Klingsor, non pas un grand méchant, plutôt
un philosophe désabusé.
Jonas Kaufmann, lui, correspond plus
directement à ce qu’on pouvait attendre de lui : les moments les plus
héroïques sont les moins convaincants, parce que la voix et les voyelles
s’ouvrent à l’excès, mais le volume sonore et l’engagement font aisément
oublier ce défaut ; tout le début de l’acte III, chanté presque constamment
pianissimo avec une voix d’une légèreté de rêve, est au contraire ce qu’on a
vu de plus beau sur une scène wagnérienne depuis longtemps, à la hauteur de
son Lohengrin de Munich en 2009. Kaufmann arrive au bout du rôle (Nur eine
Waffe taugt!) avec une fraîcheur et un engagement intacts dont les
wagnériens di forza qu’on tolère souvent faute de mieux ne peuvent que
rêver. Face à lui, Nina Stemme propose une interprétation de Kundry très
différente de celle offerte il y a quatre mois au public de Zurich : elle y
était pure beauté sonore, alors que le travail sur les mots semble
privilégié ici ; la scène au début de l’acte II possède une vivacité
rarement atteinte.
Reste, naturellement, un protagoniste essentiel à
cette exemplaire réussite musicale : Kirill Petrenko propose un Parsifal
qui, en termes comptables, fait partie des plus rapides de l’histoire
interprétative de l’œuvre (environ trois heures quarante-cinq), mais cette
rapidité relative (et justifiée) s’accompagne d’un travail très personnel
sur les tempi qui passe aussi par des passages beaucoup plus lents et
méditatifs. Il y a du théâtre et des contrastes ; comme toujours chez ce
vrai chef d’opéra, il y a aussi un travail de soutien des chanteurs, et
aussi une chaleur et une intensité qui donnent une présence au drame loin de
toute ritualité de pacotille. Et l’Opéra de Bavière place à son service ce
qu’elle a de meilleur depuis des décennies : un orchestre unique au monde et
un chœur qui, pour cette production, atteint un niveau qu’on ne lui avait
pas connu depuis des années.
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