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Olyrix, Le 03/07/2018 |
Par Andreas Wahlberg |
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Wagner: Parsifal, Bayerische Staatsoper, ab 28. Juni 2018
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Kaufmann, Stemme, Pape, Gerhaher : retour aux sources pour Parsifal à Munich
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Le nouveau Parsifal (Wagner) à l'Opéra
d'État de Bavière (Munich), mis en scène par Pierre Audi est un événement
très attendu : des décors conçus par Georg Baselitz, la direction de Kirill
Petrenko et les premiers rôles incarnés par René Pape, Jonas Kaufmann, Nina
Stemme, Christian Gerhaher et Wolfgang Koch. Des conditions aussi
prometteuses que satisfaisantes. Il y a d’innombrables façons de mettre
en scène le « Festival scénique sacré » wagnérien. En témoignent les
interprétations de Parsifal des dernières années (et nos comptes-rendus) :
une confrontation entre les religions chrétienne et musulmane (Uwe Eric
Laufenberg à Bayreuth), une vision fanée et profondément méta-théâtrale
(Dieter Dorn à Baden-Baden) ou bien l’accent sur le fanatisme de la
communauté du Graal (Richard Jones à Paris). La nouvelle production signée
Pierre Audi au Bayerische Staatsoper à Munich, en propose une quatrième
voie, un événement très attendu, également grâce aux décors dessinés par le
très célèbre artiste Georg Baselitz, dont les esquisses ont été réalisées
par le scénographe Christof Hetzer.
Le rideau présente un dessin de
quatre corps blanchis, posés différemment pour chaque acte. Côté scène, le
monde des chevaliers est caractérisé par des arbres bidimensionnels et
quelques troncs enroulés, servant comme monument cérémoniel. Le troisième
acte les fait revenir à l’envers, suspendus du plafond, tandis que le
deuxième, se déroulant en partie devant le rideau, montre un grand mur de
tissu, s’élevant et s’écroulant selon l’état du règne de Klingsor. Le
travail d’Audi, s’abstenant d’éléments exogènes et d’une action scénique
trop élaborée, rappelle quelque peu le style d’après-guerre dit « nouveau
Bayreuth » (Neu-Bayreuth), qui a bouleversé le monde de l’opéra avec ses
accents sur la lumière, un espace scénique vidé et un mouvement assez retenu
afin de souligner l’aspect mythique et universel de l’œuvre wagnérienne.
Ceci dit, la mise en scène ne réussit pas toujours à maintenir l’intérêt à
elle seule.
Heureusement, la partie musicale fait bien plus que
contribuer au plaisir du spectateur. Kirill Petrenko, ancien Directeur
musical des lieux et favori du public, prétend être revenu aux sources de
Parsifal, contournant ainsi plus d’un siècle d’interprétations plus ou moins
canoniques. Et il ne s’agit pas de paroles creuses : les spectateurs
expérimentent en fait quelque chose d’étrange et d’original. Beaucoup plus
que d’habitude, Petrenko saisit (et même prolonge) de nombreuses pauses,
mettant ainsi l’accent sur des moments inattendus du drame, et souvent il
donne l’impression que les répliques flottent en quasi-parlé sur la texture
orchestrale, dont l’ampleur n’est jamais exagérée et la variété de styles
jamais aplanie. L’effet de ces suspensions dans l'arc sonore, sensation
étrange, se transmet aux personnages du monde fictionnel, les laissant aussi
perplexes que les spectateurs face aux événements inédits. Tout reste une
énigme jusqu’à la scène finale (et peut-être au-delà encore) ce qui établit
un lien avec le genre médiéval du « mystère », l’une des principales sources
d’inspiration pour Wagner.
Les Chœurs du Staatsoper (préparés par
Sören Eckhoff), tour à tour statiques et rampants, remplissent leur fonction
excellemment. D’un ton chaleureux et noble, ils font ressortir le texte et
même leur petit décalage de consonnes diminue pertinemment leur uniformité.
Seule la diffusion de voix hors scène par des haut-parleurs détruit
quelquefois l’illusion.
La distribution réunie à Munich ne propose
pas seulement des artistes de renommée mondiale, mais également des
caractères bien différents. Gurnemanz, est ici incarné par René Pape, qui a
retrouvé son statut après les prestations inégales des années précédentes.
Campant un personnage sympathique (privé de l’agressivité occasionnelle du
rôle), son portrait profite de sa basse excellente et noble, dont les aigus
ne donnent pas l’impression de l’être, puisque sa maîtrise les intègre
impeccablement dans les lignes musicales. Avec des nuances variées dans son
jeu vocal, les murmures autant que ses forte se transportent sans le moindre
effort à travers la grande salle du Staatsoper.
Le choix en Amfortas
de Christian Gerhaher, incontournable interprète de Lieder allemands, peut
surprendre certains. Il révèle ainsi une interprétation toute nouvelle du
personnage, jusqu’à la sensation d’entendre cette musique pour la première
fois. En parfait accord avec Petrenko, les détails de ses deux grandes
interventions sont aussi inattendus qu’ils sont pertinents, grâce à son
instrument exceptionnellement riche, varié et bien projeté pour un humble
serviteur de l’expression appropriée. La scène finale, la lamentation
d’Amfortas, dévie de l’interprétation standard avec son déchaînement
émotionnel, et offre à sa place le chant modéré de quelqu’un qui s’est déjà
décidé à mourir, avant d’exploser lors de l’ultime exigence du chœur.
Ayant fait ses débuts dans le rôle à Vienne l’année dernière, la soprano
Nina Stemme triomphe de nouveau comme Kundry. Certains y préféreraient une
mezzo-soprano, mais Stemme assure avec sa voix équilibrée, des aigus
scintillants et clairs jusqu’aux graves profonds (incarnant vocalement en
même temps la mère et la vierge). Principalement limitée aux gémissements et
à ses cris naturalistes dans le premier et le troisième acte, elle
s’épanouit dans le deuxième, où elle peint le portrait d’une femme puissante
et non complètement opprimée, mais plutôt majestueuse (lors de l’entrée de
Parsifal dans le monde de Klingsor) et étrangère (dans le monde des
chevaliers).
Wolfgang Koch (Klingsor) entre en scène devant le
rideau, comme s’il s’agissait du Prologue de l’opéra Pagliacci, en
proclamant « Die Zeit ist da » (Il est l’heure). Malgré une direction
d’acteur qui intensifie moins qu’elle éloigne les personnages l’un de
l’autre, Koch investit dans son interprétation le plus possible de
caractérisation et de variation. Le surtitrage est superflu, et sa façon de
colorer toutes ses répliques contrebalance pour partie le peu de matière à
réflexion offert par la mise en scène (et le lendemain, il est déjà de
nouveau sur les planches pour chanter le rôle du Hollandais dans Le Vaisseau
fantôme).
Si les places étaient difficiles à obtenir pour ce
Parsifal, une grande partie en incombe bien sûr à Jonas Kaufmann, qui
incarne le rôle-titre. En pleine forme, le Munichois chante et joue d’abord
d’une manière retenue, sur son beau timbre barytonnant sonore et bien
reconnaissable, son expression vocale assez régulière, voire stoïquement
héroïque. Mais la constance expressive est trompeuse et tout se révèle dans
le deuxième acte, précisément au moment du baiser entre Parsifal et Kundry.
Mis en exergue par la direction orchestrale, cet événement clé du drame
épanouit soudainement son personnage, vocalement et expressivement. Les
spectateurs ne témoignent de rien d'autre que d'une merveille. Rayonnant ou
apaisant, allant du féroce vainqueur à la lance jusqu'à la douceur
rédemptrice (et lacrymale), ce baiser marque l’instant décisif de la
transition du « fou pur » au futur roi de la confrérie, une progression qui
– comme le montre cette mise en scène – ne se manifeste pas clairement dans
Parsifal, qui se démasque ici comme posant des questions, sans en donner les
réponses.
Parmi les autres chanteurs, Bálint Szabó ressort dans son
interprétation de Titurel, le père d’Amfortas. Quoique chantant des
coulisses, sa basse résonne bien et laisse l'empreinte d’une voix intérieure
collective dans la communauté du Graal. Dans les rôles de la voix d’alto
claire et céleste, des filles-fleurs (Golda Schultz, Selene Zanetti, Tara
Erraught, Noluvuyiso Mpofu, Paula Iancic et Rachael Wilson), ainsi que les
moindres rôles des deux chevaliers (Kevin Conners et Callum Thorpe) et des
quatre écuyers (Paula Iancic, Tara Erraught, Manuel Günther et Matthew
Grills) le Staatsoper offre de belles voix, même si la mise en scène manque
de différenciation entre ces personnages.
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