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Diapason, 19/01/2017 |
Par Emmanuel Dupuy |
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Wagner: Lohengrin, Paris, Opera Bastille, 18. Januar 2017
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Lohengrin de Wagner à l'Opéra de Paris : le retour au zénith de Jonas Kaufmann
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Rarement première à l'Opéra de Paris aura été
aussi attendue. Car Jonas Kaufmann, éloigné des scènes depuis plusieurs mois
pour raisons de santé , devait y faire son grand retour. Chantera ? Chantera
pas ? Jusqu'au dernier moment, la question était sur toutes les lèvres de la
lyricosphère. Que les fans du ténorissimo se rassurent : non seulement il a
chanté, mais il fut égal à sa légende, Lohengrin tout en nuances, héroïque
et vulnérable à la fois, stupéfiant par la maîtrise musicale comme par la
justesse de l'incarnation. Quand commence « In fernem Land », sur un
souffle, on n'entend plus une mouche voler, tout le public de Bastille
succombe à ces pianissimos inouïs qui bientôt s'abolissent dans la plus
éclatante puissance. Bonne nouvelle : l'astre Kaufmann brille toujours au
zénith.
Alentour, c'est un peu moins la fête. Abonnée à Turandot et
Sieglinde, Martina Serafin n'est plus le soprano bond platine qu'il nous
faut en Elsa, en dépit d'indéniables efforts de délicatesse. Quoique Tomasz
Konieczny ait une fâcheuse tendance à détoner, son baryton fielleux et dardé
sied au personnage de Telramund, engagé avec Evelyne Herlitzius en un
impitoyable concours de décibels - |e chant sauvage de cette Ortrud est tout
sauf orthodoxe, mais l'énergie qu'elle met dans ses imprécations fait froid
dans le dos. Si René Pape (Roi Henri) semble devoir forcer ses beaux moyens
pour passer la rampe redoutable de Bastille, Eglis Sillins tire son épingle
du jeu dans les répliques décisives du Héraut.
Au pupitre, Philippe
Jordan tombe dans son péché mignon hédoniste, préférant soigner la beauté de
la matière sonore plutôt que les reliefs de la narration. La tension se
raréfie, au risque de laisser sombrer l'acte I en une sorte de séquençage
asthénique. Animation et fluidité gagnent par la suite du terrain, mais on
attend toujours le grand frisson.
Quant au théâtre, rien de bien neuf
sous le soleil. La production est celle que les téléspectateurs d'Arte ont
vu en décembre 2012, retransmise depuis la Scala. Dans un univers alla
Strindberg, Claus Guth transforme le fier Lohengrin en anti-héros un peu
paumé (métaphore de l'artiste ?) qui se fera tabasser à la fin. Joli décor,
mêlant architecture Second empire et paysage naturel. En résumé, comme
l'écrivait naguère Piort Kaminski dans Diapason, « rien que du familier sur
catalogue : on montre au second plan ce qu'on chante au premier, on affuble
les protagonistes de doubles enfantins, des personnages muets hantent le
plateau, "signifiants" en diable ; et quand surgissent les nobles
brabançons, queue de pie et hauts de forme, on espère en vain un numéro de
claquettes. » |
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