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Anaclase |
par michel slama |
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Giordano: Andrea Chenier, konzertant, Théâtre des Champs-Elysées, Paris, 26. März 2017
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Umberto Giordano | Andrea Chénier (version de concert)
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Depuis sa création triomphale à la Scala
de Milan en 1896, Andrea Chénier est régulièrement programmé dans les opéras
du monde entier, à l’exception de ceux de l’Hexagone où il fut accueilli
fraîchement dès sa première parisienne. Est-ce le reflet peu flatteur d’une
Révolution caricaturée par Luigi Illica, le librettiste de Giacomo Puccini,
ou la réputation d’une musique romantique trop vériste pour nos concitoyens
?
Contemporain de Puccini, Umberto Giordano a composé quatorze opéras
dont seuls Andrea Chénier et Fedora (qui révéla Enrico Caruso) restent au
répertoire des grands théâtres. Quoi qu’il en soit, il fallut attendre plus
d’un siècle pour que l’Opéra national de Paris accueillît enfin l’ouvrage –
dans la production de Giancarlo del Monaco, avec Marcelo Álvarez dans le
rôle-titre [lire notre chronique du 3 décembre 2009]. On en connaît pourtant
quelques tubes, dont le plus célèbre reste l’air de Madeleine de Coigny, La
mamma morta, immortalisé par Maria Callas et utilisé pour le film
Philadelphia de Jonathan Demme. Avec Un dì all'azzurro spazio etCome un bel
dì di maggio, le ténor, lui, dispose d’airs somptueux mettant en valeur ses
qualités théâtrales et vocales. C’est donc avec une grande effervescence que
le public parisien attend le quatrième opéra de Giordano, même en version de
concert, au Théâtre des Champs-Élysées qui crée une fois de plus l’événement
lyrique.
Entre deux représentations d’Andrea Chénier sur la scène
munichoise, Jonas Kaufmann, la star incontournable d’aujourd’hui, vient
incarner le poète révolutionnaire aux côtés d’Anja Harteros, sa partenaire
idéale, en Madeleine, avec une distribution rigoureusement identique à celle
de la capitale bavaroise. Même sans décors ni costumes, l’excellente équipe
réunie ici interprète cette œuvre, répétée et rôdée avec le Chor der
Bayerischen Staatsoper et le Bayerischen Staatsorchester magistralement
dirigés par le jeune Omer Meir Wellber.
Entrées et sorties des
personnages suivent l’action. Plus qu’une mise en espace, les chanteurs
jouent autant qu’ils chantent, et ce sans partition. Jonas Kaufmann connaît
bien Chénier depuis sa prise de rôle en janvier 2015 à Covent Garden (Royal
Opera House, Londres), avec la Madeleine exceptionnelle d’Eva-Maria
Westbroek. Disponible en DVD, sa prestation avait déjà enflammé un public en
délire. Le rôle lui sied à merveille, comme celui de Maurizio de Saxe
d’Adriana Lecouvreur de Cilea. Il compose un poète tragique pétri de
noblesse, d’impétuosité et de romantisme exacerbé. Kaufmann possède un
abattage digne de ses grands prédécesseurs – Mario del Monaco, Plácido
Domingo et José Carreras, pour ne citer qu’eux. Ce soir, malgré quelques
moments de fatigue perceptibles, le public l’ovationne à chaque air, à juste
titre. Son approche demeure exceptionnelle, même dans le parti pris d’abuser
de fortissimi dans les scènes dramatiques.
Luca Salsi est parfait
dans le rôle de Carlo Gérard, le majordome des Coigny devenu édile de la
Révolution. Sa voix et sa prestance, qui rappellent celles de Tito Gobbi,
lui permettent de composer un personnage à la fois inquiétant mais toujours
humain, malgré son désir forcené de posséder la belle Madeleine. Nemico
della patria lui vaut une très longue ovation bien méritée. Anja Harteros,
enfin, est la triomphatrice de cette soirée incomparable. Son charisme et
son engagement personnel alliés à une vocalité parfaite font de Madeleine le
personnage central. Elle maîtrise admirablement les nuances et demi-teintes
comme les violences de la partition, sans jamais tomber dans le mélo’.
Excellente comédienne, elle passionne un public venu plus pour Kaufmann que
pour elle. On a rarement entendu, depuis Maria Callas, La mamma morta aussi
parfaitement interprété et empreint d’une passion et d’une émotion faisant
fondre en larmes une salle à genoux. Des applaudissements nourris et
interminables saluent la performance de la diva allemande, le public
semblant souhaiter un bis.
Les seconds rôles, fondamentaux pour la
réussite de cet opéra, sont admirablement tenus. Rendons hommage à la grande
Doris Soffel qui assume le rôle ingrat de la Comtesse de Coigny, à la Bersi
sexy en diable de l’excellente J’Nai Bridges, mais aussi à la bouleversante
Madelon d’Elena Zilio. Les huit rôles masculins restants sont tout aussi
excellemment tenus.
À la tête du Bayerische Staatsoper, Omer Meir
Wellber [lire nos chroniques du 5 février 2017, du 24 juillet 2016 et du 15
novembre 2014] remporte un succès bien mérité, impulsant le drame et le
tragique à cette exceptionnelle version de concert. Ce soir, le public
parisien retrouvait la magie et l’enchantement des grandes soirées
inoubliables d’opéra...
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