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Forum Opera, 04 Mai 2016 |
Par Claude Jottrand |
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Puccini-Konzert, Brüssel, 1. Mai 2016
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Kaufmann en majesté
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Une première date avait été fixée en octobre dernier, que Jonas Kaufmann
avait annulée pour raison de santé. Il avait donc fallu attendre longtemps,
et personne n’avait envie de dormir, dimanche soir dans la salle
archi-comble du Palais des beaux-arts de Bruxelles, où la Staatskapelle de
Weimar dirigée par Jochen Rieder était venue accompagner le ténor dans un
récital d’airs de Puccini, extraits de son dernier album. C’est l’orchestre
qui entame la soirée avec le prélude symphonique en la majeur, pièce un peu
terne – c’est plutôt un exercice de composition réalisé par Puccini pendant
ses études au conservatoire de Milan – à laquelle le chef s’efforce de
donner tout le relief possible.
Entre ensuite, sous des tonnerres
d’applaudissements, le chanteur tant attendu. Elégant dans son costume trois
pièces très ajusté, svelte, dynamique, le cheveux grisonnant et la barbe
courte, une dégaine de vedette de cinéma, du charme à revendre, Kaufmann
électrise son public dès les premières notes du récital. Il commence par des
airs peu connus, comme s’il voulait faire encore patienter un peu son
public. Des extraits de Le Villi ou d'Edgar lui permettent de chauffer
l’instrument et de faire soigneusement monter la tension avant les grands
airs que tout le monde attend. Ainsi ménagée, soigneusement préparée, la
voix est sublime, homogène dans tous les registres, avec une ardeur
constante et des couleurs d’une exceptionnelle richesse. Kaufmann maîtrise
tant les passages forte (la voix n’est jamais criarde) que pianissimo,
registre dans lequel il excelle à exprimer une tendresse infinie sans
détimbrer, tout en restant intelligible jusqu’au denier rang de la salle. Ce
sera particulièrement remarquable lorsqu’il murmure « Soave visione » dans
l’air d’Edgar, ou « Dolci baci, languide caresse » dans l’air de
Cavaradossi, avec une intensité rarement atteinte dans cette nuance d’une
grande séduction et d'une infinie délicatesse. Il vit chacun de ses
personnages sans effet de manche mais avec intelligence et si l’émotion fait
parfois défaut, c’est en raison de la structure même d’un récital d’airs
relativement courts, tirés de situations très diverses, entrecoupés
d’interludes orchestraux et de longues minutes d’applaudissements, qui ne
permet pas de construire sur la longueur la cohérence d’un personnage. Ces
intermèdes orchestraux, qui émaillent le programme tout au long de la soirée
et offrent au chanteur d’utiles moment de répit, viennent rappeler fort à
propos qu’en plus d’être le mélodiste de génie que l’on sait, Puccini était
aussi un orchestrateur inspiré, auquel les cordes de Weimar rendent
parfaitement justice.
Quant à Kaufmann, son plaisir de chanter,
d’être en scène est évident, et il le partage généreusement avec le public.
L’enthousiasme de la salle ira croissant tout au long de la soirée, jusqu’au
« Nessun dorma ! » final, si bref soit-il, qui donne son titre au récital et
lui sert à la fois d’aboutissement et de point culminant. Sans laisser le
temps à l’orchestre de finir le postlude, le public se lève et fait une
ovation au chanteur que ce dernier saluera finalement de cinq bis, arrachés
chacun à grand renfort d’applaudissements cadencés, dans une joyeuse
atmosphère de liesse très communicative.
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