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Resmusica, le 26 juillet 2016 |
par Michel Thomé |
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Festspiel Gala, Baden-Baden 24. Juli 2016
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Harteros, Gubanova, Terfel, Kaufmann, au-delà des espérances
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Avec son programme ultra copieux et son affiche de stars (Harteros, Gubanova, Terfel, Kaufmann) le gala de fin de saison de Baden-Baden a tenu toutes ses promesses et bien plus. |
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Réunir quatre voix parmi les toute meilleures du monde et les plus
sollicitées. Leur proposer d’interpréter des extraits soigneusement choisis
et emblématiques des œuvres qui ont fait leur renommée. Telle est la recette
finalement toute simple qui a mené à l’extase les fortunés spectateurs de
ces deux concerts de gala au Festspielhaus de Baden-Baden. Un succès
parfaitement mérité pour une véritable fête vocale.
Primus inter
pares et à l’apogée de ses moyens, la trop rare Anja Harteros — du moins en
dehors de Munich, son port d’attache — se montre éblouissante de bout en
bout. L’air d’entrée d’Elisabeth dans Tannhäuser, rôle qu’elle a peu
interprété à notre connaissance mais reprendra à Munich au printemps 2017,
est déjà glorieux mais n’est qu’une mise en bouche. Car voici Tosca, lionne
féroce et d’une vérité criante face au Scarpia de Bryn c qu’elle a souvent
rencontré puis qui suspend le temps pour un « Vissi d’arte » intériorisé et
d’une pure splendeur vocale. Et voilà plus encore Verdi, où s’épanouit cette
voix à l’exceptionnelle homogénéité des registres, à la tout aussi rare
longueur de souffle lui autorisant un legato de rêve, aux aigus forte d’une
étonnante puissance et rondeur (elle surpasse dans ce domaine tous ses
partenaires) mais tout aussi prodigue de pianissimos limpides. Si l’on y
rajoute une stature scénique naturellement royale et la capacité, en une
seconde, d’entrer dans le personnage d’un geste ou d’un regard et nous voilà
tout près de convoquer les mânes de Maria Callas !
Venue remplacer
Elīna Garanča souffrante et encore auréolée du succès de sa toute récente
Fricka dans La Walkyrie, Ekaterina Gubanova apporte opulence du timbre,
autorité de l’accent et sûreté de l’aigu. Un peu réservée (ou stressée) en
tout début de soirée, elle se libère pour affronter Jonas Kaufmann dans
leurs deux duos anthologiques Santuzza-Turridu de Cavalleria Rusticana puis
La Principessa-Maurizio de Adriana Lecouvreur. Tout comme pour Tosca, sans
décor, sans costume, sans metteur en scène, ces véritables bêtes de scène
insufflent à leurs incarnations toute la violence ou le tragique qu’il y
faut pour nous offrir, en quelques minutes seulement, de fantastiques
moments de véracité et de théâtre.
Cabotin assumé, Bryn Terfel en
fait des tonnes et cela marche. Du moins, pour les deux Méphisto de Gounod
et Boito où son impressionnante silhouette, la noirceur du timbre et des
graves, le grinçant de l’accent sont idéalement sataniques. Mais cette
santé, ce caractère sombre de la voix, ce côté « force de la nature »
conviennent moins pour le Filippo II introspectif de Don Carlo, à qui
manquent aussi legato et plus de nuances dans l’aigu systématiquement en
force. Mais en revanche, quel formidable Scarpia, obséquieux et glaçant puis
ouvertement lubrique !
Et comment ne pas rendre les armes face à la
variété infinie de couleurs et de finesses que continue à mettre Jonas
Kaufmann dans chacune de ses interprétations ? La voix suit chaque intention
expressive et il y en a pratiquement une à chaque syllabe. Les aigus
diminuendo de « E lucevan le stelle » font toujours chavirer le cœur, son
Turridu impressionne par sa violence désespérée. Pour finir, face à la
Desdemona frémissante et lumineuse d’Anja Harteros, il nous laisse entrevoir
au duo d’amour quel Otello raffiné et différent il pourra être dans un an,
quand il abordera enfin l’intégralité du rôle à Londres.
Ne ménageant
pas sa peine et sa battue, constamment à l’écoute et au service de ses
solistes, Marco Armiliato dirige avec efficacité la Badische Staatskapelle,
venue en voisin de Karlsruhe toute proche. Certes pas le meilleur orchestre
du monde lyrique mais qui fait preuve d’une belle vitalité et d’un bel
entrain avec des cuivres un peu fragiles mais un violoncelle solo de toute
beauté.
La succession des bis (un par soliste) permet d’explorer
d’autres facettes et d’autres répertoires. Ekaterina Gubanova présente avec
« L’amour est un oiseau rebelle » une Carmen stylée et remarquablement
intelligible. Dans « Son pocchi fiori » de L’Amico Fritz, Anja Harteros
incarne une Suzel toute de charme et de délicatesse. Bryn Terfel réalise un
numéro hilarant et parfaitement réglé avec « If I were a rich man » de la
comédie musicale Un violon sur le toit. Et Jonas Kaufmann choisit « Parla
più piano », musique de Nino Rota pour le film Le Parrain, dont il
interprète la première partie de sa voix de crooner pas toujours perceptible
jusqu’aux derniers rangs, poursuit à pleine voix et conclut d’un suraigu
percutant. Tous les quatre se retrouvent enfin pour un « Dein ist mein
ganzes Herz » issu du Pays du Sourire de Franz Lehar puis un « Happy
Birthday to you » en l’honneur d’Anja Harteros auquel participe un public en
liesse, conquis et sous le charme d’une soirée exceptionnelle et riche en
émotions.
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