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Classique News, 22.12.2015 |
par Emmanuel Andrieu |
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Berlioz: La damnation de Faust, Paris, Opera Bastille, 13. Dezember 2015
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Bronca à Bastille
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Mise en scène huée à l’Opéra Bastille |
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Nous n’avons donc pas vu certains « effets », tel la copulation d’escargots
pendant le grand air de Marguerite « D’amour l’ardente flamme », qui a
provoqué l’ire ou les rires du public, et qui pourtant ne faisait, nous le
voyons ainsi, que traiter avec humour l’érotisme très accusé entre les deux
principaux protagonistes. Pour notre part, donc, nous avons été séduits par
la production, tant par son postulat de départ – Faust est ici un
scientifique et non plus un philosophe, dédoublé par Stephen Hawking dans un
fauteuil roulant (joué par le danseur Dominique Mercy), convaincu que la
survie du genre humain passe par la colonisation de Mars – que par les
fabuleuses images vidéo de Katarina Neiburga, projections d’une grande
beauté visuelle (images de mars, champ de coquelicots d’un rouge flamboyant,
baleines s’ébattant dans l’onde ou encore spermatozoïdes jetés dans une
course frénétique pour aller féconder une ovule), jamais gratuites à nos
yeux, à l’instar des superbes chorégraphies imaginées par Alla Sigalova.
Un bémol cependant à apporter à ses dernières, qui n’ont rien à voir
avec leur pertinence et beauté intrinsèque, mais leur omniprésence nuit
parfois à l’attention que l’on devrait porter au chant, comme à la musique.
Autre point noir, Alvis Hermanis ne s’est pas assez investi dans la
direction d’acteurs, les chanteurs – et plus encore le chœur – restant la
plupart figés, ou ne faisant que passer de cour à jardin sans guère plus
d’interaction entre eux.
Jonas Kaufmann, Bryn Terfel : Faust
et Méphistofélès de rêve
Mais c’est plus encore pour le
somptueux plateau vocal que le déplacement s’imposait. Le ténor star Jonas
Kaufmann campe un Faust proche de l’idéal, capable d’assumer aussi bien la
vaillance de « L’Invocation à la Nature » que les ductilités du duo avec
Marguerite. A partir du sol aigu, son utilisation très subtile du falsetto
délivré pianississimo (la « marque maison » du ténor allemand) est un
authentique tour de force, et le raffinement avec lequel il intègre ces
passages escarpés dans la ligne mélodique souligne une musicalité hors-pair.
De surcroît, sa prononciation du français est parfaite, de même que celle du
baryton gallois Bryn Terfel, tour à tour insinuant et incisif, qui ravit
l’auditoire avec sa magnifique voix chaude et superbement projetée. La
puissance de l’instrument, la beauté d’un timbre reconnaissable entre tous,
comme la pertinence du moindre de ses regards, donnent le frisson. Enfin,
comment ne pas être admiratif devant la multitude d’inflexions dont il pare
la fameuse « Chanson de la puce », ou devant l’intelligence et l’élégance
avec lesquelles il délivre sa magnifique « Sérénade ».
Face à ces
deux personnages, Marguerite symbolise la vie qui résiste. La voix ronde et
chaude de Sophie Koch donne beaucoup de douceur à l’héroïne, et la manière
dont la mezzo française délivre avec maîtrise et émotion sa « Ballade », de
même que sa « Romance », fait d’elle une Marguerite lyrique et grave à la
fois, qui est la vraie opportunité offert à l’humanité d’être sauvée. La
distribution est complétée par le Brander plus que convenable du baryton
Edwin Crossley-Mercer. Quant aux Chœurs de l’Opéra de Paris, magnifiquement
préparés (désormais) par José Luis Basso, ils sont superbes de bout en bout,
et la cohésion des registres impressionnent durablement dans la fugue de
l’Amen ou encore dans la sublime apothéose finale.
Dans la fosse,
Philippe Jordan veille aux grands équilibres, et si « La Marche hongroise »
manque de clinquant, il sait toutefois – à certains moments – conduire à
l’effervescence un Orchestre de l’Opéra de Paris qui fait honneur à
l’extraordinaire et subtile orchestration berliozienne. Sous sa baguette, la
phalange parisienne vit, les cordes chantent, les bois se distinguent, et
les mille et un détails de la partition sautent ici à nos oreilles
enchantées. A peu près seul et contre tous – et malgré les quelques réserves
émises plus haut – la mise en scène imaginative et esthétique d’Alvis
Hermanis nous a fait rêver.
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