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Opera Online |
Alain Duault |
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Berlioz: La damnation de Faust, Paris, Opera Bastille, 8. Dezember 2015
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La Damnation de Faust de Berlioz à la Bastille, oui et non !
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Stéphane Lissner n’a pas choisi la facilité en commençant son cycle Berlioz
par La Damnation de Faust. L’ouvrage est complexe à monter dans la mesure où
ce n’est pas vraiment un opéra (cf La Damnation de Faust, une légende
romantique, dans notre rubrique Pour aller plus loin, sur Opera Online) –
et, avec l’exceptionnelle distribution réunie pour cette nouvelle production
à l’Opéra de Paris, on s’est dit qu’on aurait peut-être pu se contenter
d’une version de concert, comme à la création à l’Opéra-Comique en 1846.
Mais il était excitant de demander à un grand metteur en scène de théâtre
comme l’est le letton Alvis Hermanis d’essayer de donner un sens
contemporain à cette œuvre riche d’implications. Le problème est qu’une
idée, fût-elle bonne, ne fait pas une mise en scène.
Car le
présupposé d’Alvis Hermanis n’est pas absurde, celui de s’interroger sur ce
que serait un Faust pour aujourd’hui, il pourrait même avoir sa logique…
pourvu qu’il y ait une mise en scène ! Car, au-delà de la réponse initiale à
cette question, à savoir le fait que, dans notre monde contemporain, Faust
serait un scientifique plutôt qu’un philosophe (ce qui, entre parenthèses,
est une conception positiviste de notre monde un peu désespérante alors
qu’on peut penser qu’il a, au contraire, besoin de philosophie, de
réflexion, de beauté aussi – plutôt que de technique), au-delà de ce
postulat, qui induit la présence sur scène d’un « représentant » de la
science sous l’aspect du fameux physicien britannique Stephen Hawking, aucun
développement dramaturgique ne vient prolonger cette intuition, l’étayer, la
nourrir, en faire du théâtre. Et c’est le plus étonnant de la part d’un
homme de théâtre comme Alvis Hermanis : cette absence de direction d’acteurs
qui laisse les protagonistes livrés à eux-mêmes et les chœurs figés est
comme un abandon de la théâtralité au profit d’une orgie d’images vidéo
projetées au-dessus des chanteurs, comme une fête visuelle sans rapport avec
l’œuvre, comme si le décor avait pris le pas sur la mise en scène !
D’ailleurs, la dernière image, superbe au demeurant, d’un Faust échangeant
sa place avec son double, celui-ci semblant flotter dans une apesanteur qui
est la métaphore d’un adieu à la terre, constitue une sorte de contradiction
avec l’idée initiale du spectacle… L’image prend le pas sur la pensée ! Et
comme la chorégraphie ne vient pas, loin de là, jouer ce rôle de contrepoint
ou de développement qu’elle pourrait jouer, on reste perplexe devant cette
occasion ratée.
D’autant plus ratée que le plateau réuni est, lui,
exceptionnel, avec un Jonas Kaufmann dont le chant, à mi-chemin du lied et
de l’opéra, offre des couleurs d’une rare subtilité, avec Bryn Terfel, voix
riche, ample, large, d’une impressionnante présence, avec Sophie Koch,
timbre onctueux qui s’accorde si bien dans sa Romance avec celui du cor
anglais magique de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, avec des chœurs
homogènes, menés au meilleur d’eux-mêmes par leur nouveau chef, José Luis
Basso, le tout dirigé avec un raffinement, une élégance, une poésie
flottante par Philippe Jordan ! On en déplore d’autant plus le ratage de la
mise en scène et, si l’on passe une magnifique soirée musicale, on demeure
frustré de ce manque de théâtre – qui, soit dit en passant, est le contraire
de ce que les hueurs excités reprochent à Alvis Hermanis : il n’y a pas «
trop », il n’y a plutôt pas assez !... |
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