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la Croix, 11/12/15 |
EMMANUELLE GIULIANI |
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Berlioz: La damnation de Faust, Paris, Opera Bastille, 8. Dezember 2015
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Enfer et damnation à l’Opéra de Paris
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Plaquant sur La Damnation de Faust de
Berlioz une histoire d’évasion spatiale, cette nouvelle production de la
Bastille accouche d’une souris… de laboratoire. |
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Après un Moïse et Aaron « bien sous tous rapports » mais sans ferveur, suivi
d’un diptyque Bartok-Poulenc contestable dans son expressionnisme scénique
mais transcendé par une direction musicale éblouissante, voici la troisième
des productions d’automne proposées par l’Opéra de Paris.
La
visionnaire et inclassable Damnation de Faust d’Hector Berlioz ouvre un
cycle consacré au compositeur français qui doit se déployer sur plusieurs
saisons.
Las, ce premier épisode est un monumental ratage, dont
l’unique vertu est d’inviter le spectateur à réfléchir sur l’énigmatique «
produit » qu’offre une représentation lyrique, avec ses dimensions sonore et
visuelle intimement liées. Et que l’on ne peut séparer sans dommages.
Une fade promenade symphonique
Engluée dans la
vision lymphatique de Philippe Jordan, la partition si contrastée, si
lyrique et si grinçante de Berlioz semble une fade promenade symphonique,
souffrant, qui plus est, d’approximations, fort étonnantes de la part d’une
phalange aussi assurée que l’orchestre de l’Opéra de Paris. Les chœurs aux
sonorités prosaïques ne convainquent pas davantage.
Comment, si peu
soutenus, les chanteurs pourraient-ils livrer le meilleur d’eux-mêmes ? Même
s’ils se nomment Jonas Kaufmann, Bryn Terfel et Sophie Koch. Le premier, en
errance théâtrale, distille son chant admirable, plus sophistiqué que
jamais. De Faust, il gomme le romantisme enfiévré au profit d’une sorte
d’abstraction fascinante.
À l’inverse, Bryn Terfel incarne un
Méphistophélès sanguin, au premier degré mais tellement engagé qu’on en
oublie quelques inadéquations vocales.
Sophie Koch peu à son
aise en Marguerite
Déstabilisée par les réactions
(douloureux mélange de rires et de huées) suscitées par la mise en scène au
moment de son sublime air de désespoir amoureux – interprétée devant une
vidéo d’escargots, baveux à souhait, en plein ébat sexuel –, Sophie Koch
semble peu à son aise en Marguerite.
Avertie, la chanteuse se
libérera certainement lors des représentations à venir. Mais comment
comprendre que personne, au cours des répétitions, n’ait songé à faire
changer ces escargots ridicules, appelant la moquerie ou l’agressivité du
public et mettant en danger l’artiste au moment le plus périlleux de sa
prestation? Danseurs frénétiques et choristes en surnombre
À
partir d’une considération rebattue sur la nécessaire actualisation du mythe
de Faust, Alvis Hermanis superpose à l’argument de la Damnation une histoire
qui n’a rien à voir avec lui. Peu importent les incohérences, les gouffres
béants entre ce qui est dit et ce qui est vu, l’anti-musicalité de la
gestuelle…
Va donc pour la préparation d’une expédition sur la
planète Mars, mettant en pratique la préconisation du scientifique
britannique Stephen Hawking qui voit comme seul avenir à notre Terre épuisée
le fait de la quitter. Cela nous vaut force images d’animaux de laboratoire
– des fourmis, des souris, des méduses… Mais aussi des séquences extraites
de documentaires sur la conquête de l’espace. Sans oublier de beaux
panoramas de ciel étoilé, toujours très efficaces !
Des danseurs
frénétiques au service d’une chorégraphie anguleuse, des choristes en
surnombre contraints à l’immobilité, des solistes livrés à eux-mêmes et
totalement étrangers au récit spatial asséné par Alvis Hermanis complètent
le tableau.
Un éphémère moment de grâce
Un
seul moment de grâce: alors que l’« âme naïve » de Marguerite monte au ciel,
le danseur Dominique Mercy, qui a figuré durant toute la représentation
Stephen Hawking cloué dans son fauteuil roulant, retrouve, comme en
apesanteur, sa mobilité perdue.
Belle idée, hélas ravagée par la
dernière image. Faust, damné, prend la place du savant dans ledit fauteuil.
Le handicap serait-il, in fine, la punition réservée au pécheur! Une
conclusion qui fait frémir.
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