|
|
|
|
|
Diapason, 20/07/2015 |
Par Didier Van Moere |
|
Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 14. Juli 2015
|
|
Chorégies d'Orange : le triomphe de Jonas Kaufmann
|
|
Couleurs claires, mais jamais criardes, lignes pures, mais jamais sèches :
c'est au soleil de Bizet que s'abandonne avec gourmandise Mikko Franck -
qu'on a pu parfois, ailleurs, trouver un peu trop froid. Pas un détail, pas
une nuance n'échappe à cette baguette. Quitte à oser des lenteurs
émollientes et à sacrifier le théâtre à la poésie. Mais il recrée
l'orchestre de Carmen : on entend rarement Habanera aussi subtile. Une
direction sur mesure, en tout cas, pour Jonas Kaufmann : moins sanguin qu'un
Alagna, douloureusement introverti, héros sacrificiel et ténébreux d'un
véritable calvaire. Pas forcément flatté par l'acoustique de l'immense
théâtre antique quand il chante pianissimo, il phrase son Don José en
Liedersänger, avec une « Fleur » qui est moins air de ténor que rêve
éveillé. Mais la voix, quand la passion brise les digues, déploie, sans se
durcir, la puissance de son bronze.
Kate Aldrich : pas vraiment une
Carmen
Kate Aldrich n'atteint pas ces hauteurs. Jolie fille et jolie
voix, parfois courte, elle n'est ni sulfureuse ni pétroleuse, juste
aguicheuse, souvent pâlichonne, rien moins que femme fatale, seulement sobre
et probe, de style et de composition : pas vraiment une Carmen. Un José plus
brut n'en ferait qu'une bouchée : Kaufmann, paradoxalement, la sert plus
qu'il ne l'écrase. Pour Inva Mula, même bien chantante, il est trop tard :
elle n'a plus la fraîcheur de Micaëla. Kyle Ketelsen, lui, cherche un peu
dans sa belle voix les graves d'Escamillo et l'on se demande pourquoi n'a
pas été distribué ici un baryton d'école française, surtout quand on entend
les excellents Moralès et Zuniga d'Armando Noguera et de Jean Teitgen. C'est
aussi un des grands mérites de la production : les seconds rôles sont
parfaitement tenus.
Louis Désiré cultive la convention
Le
spectacle de Louis Désiré s'en tient à un premier degré. On aimerait
pourtant la scénographie construite sur des cartes et des piques de picadors
qui deviennent les barreaux de la prison de José... si elle était moins
moche. Faire de la Chanson bohème une scène d'envoûtement montre aussi à
quel point le héros est enchaîné à son destin. Mais les éclairages sont
simplistes et la direction d'acteurs relève de la plus plate convention...
quand elle ne prête pas à sourire - on croyait, par exemple, en avoir fini
avec les Micaëla pucelles nunuches. Cela dit, vient-on à Orange pour les
mises en scène ?
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|