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La Croix, 9/7/15 |
Emmanuelle Giuliani |
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Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
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À Orange, la déception « Carmen »
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La présence de Jonas Kaufmann ne suffit pas à embraser la nouvelle
production du chef-d’œuvre de Bizet proposée à Orange.
Six mille
spectateurs se pressent sur les gradins. Ils sont venus pour cette Carmen
tant aimée du public qui frémit à son histoire fatale et vibre à sa musique.
Même devenue un « tube », elle n’en a pas perdu sa force passionnelle, ses
parfums nocturnes, ses timbres sensuels.
Les aficionados brûlent
aussi d’entendre une « idole » du moment, le ténor allemand Jonas Kaufmann
qui, depuis 2006, ne s’était plus confronté au mur d’Orange, à son
acoustique de plein air balayée par le mistral, à son amplitude qu’il faut
habiter par la voix et la présence.
Un plateau vocal méritant mais
insuffisant
L’une et l’autre sont l’apanage de Kaufmann, Don José
sombre et raffiné, « wertherien » plus que sanguin, distillant son fameux
air de la fleur avec un phrasé de miel aux aigus « filés » inimitables. Oser
et assumer tant de délicatesse dans un espace si vaste n’est pas donné à
tous.
À son côté, belle comme un jour ensoleillé sous les remparts de
Séville, Kate Aldrich est une Carmen plus gracieuse que voluptueuse, trop
pâle dans un rôle qui bannit, certes, toute vulgarité, mais réclame un
appétit de liberté et une aura vénéneuse.
L’ensemble du plateau vocal
ne démérite pas mais, hormis le baryton Armando Noguera et la mezzo-soprano
Marie Karall, dont le timbre ambré donne envie de l’entendre dans le
rôle-titre, nul ne procure les frissons attendus.
Le destin « nanifié
»
La faute aussi à la direction de Mikko Franck, nouveau chef de
l’Orchestre philharmonique de Radio France, qui excelle dans les détails
mais en oublie le souffle et la tension qui métamorphosent cette histoire
d’amour entre un soldat mauvais garçon et une zingarella manipulatrice en
tragédie sublime.
On ne peut davantage compter sur la mise en scène
de Louis Désiré, impuissant à justifier un dispositif « nanifié » et non
magnifié par le mur gigantesque et la statue d’Auguste. Un jeu de cartes
géantes – qui fait davantage penser à un amas de matelas ! – symbolise le
destin auquel la rebelle Carmen sait qu’elle devra se soumettre. Et des
lumières parcimonieuses inscrivent le spectacle dans l’ombre plus que dans
l’obscure clarté des récits passionnels.
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