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Les Echos, 10/07/2015 |
Philippe Venturini |
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Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
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A Orange, « Carmen » malgré le mistral
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« C'est vraiment dommage, la générale s'était si bien passée, se désole une
violoniste. Et nous commençons à avoir froid aux doigts. » Le mistral s'est
en effet invité à la première de « Carmen » aux Chorégies d'Orange et s'est
bruyamment manifesté durant tout le spectacle, agitant sans ménagement les
arbres qui dominent le théâtre antique et les partitions des musiciens, les
obligeant à recourir au seul remède efficace : la pince à linge.
Les
conditions n'avaient donc rien de favorable ni pour le public, vite
frigorifié, ni pour les chanteurs, qui devaient ajouter cette soufflerie
continue aux contraintes du plein air. Cela justifiait-il de huer la mise en
scène de Louis Désiré ? Non. Elle n'a certes rien de révolutionnaire
(l'habit du toréador scintille de mille feux), mais personne ne vient à
Orange pour le frisson de l'audace. Les quelque 8.200 places appellent un
répertoire grand public que la majesté du lieu contraint à la clarté
narrative. On aurait certes pu imaginer davantage de dynamisme et de
sensualité dans cette course à l'amour et à la mort, mais cela ne semble pas
avoir été la priorité du metteur en scène ni celle du chef d'orchestre. A
l'éclat des cymbales et des castagnettes, Mikko Franck a manifestement
préféré, à raison, la lumière naturelle de l'orchestration délicate et de
l'inspiration mélodique inépuisable de Bizet. Aussi adopte-t-il dans l'air
fameux « Les tringles des sistres tintaient » un tempo modéré et évite de
faire sonner l'Orchestre philharmonique de Radio France comme un bastringue,
profitant de quelques merveilleux solistes comme la flûtiste Magali Mosnier.
Jonas Kaufmann, brillant Don José
Cette orientation vers le
lyrisme plutôt que vers la passion torride et dévastatrice se manifeste
également (involontairement ?) dans la distribution. La Carmen de Kate
Aldrich ne brûle en effet pas les planches, ni les hommes qui s'en
approchent : elle n'a pas besoin de détruire pour s'affirmer. Aussi est-ce
plutôt le Don José de Jonas Kaufmann qui retient l'attention. On assiste en
effet à la descente aux enfers de ce brigadier sensible, presque fragile
(mémorable « La fleur que tu m'avais donnée »), hypnotisé par la bohémienne.
Le reste de la distribution mérite les plus vifs éloges, de la Micaëla
d'Inva Mula à la Frasquita d'Hélène Guilmette, en passant par le Moralès
d'Armando Noguera, et s'inscrit dans cette direction résolument musicale.
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