Opéra Magazine, octobre 2013
Laurent Barthel
 
Baden-Baden: Saisonabschluss-Gala, Elina Garanča - Jonas Kaufmann, 12. und 14. Juli 2013
 
ELINA GARANCA - JONAS KAUFMANN
Record d'affluence au Festspielhaus, suscité par la distribution glamour du gala 2013 : Elina Garanca et Jonas Kaufmann. Un partenariat qui fait monter la température, dès les premières minutes : arrivée devant l'orchestre bras dessus, bras dessous, lumière bleue et musique suave (l'introduction au duo «du clair de lune» de Werther). Elle, fracassante blonde longiligne, aux longs cheveux dénoués, en robe lapis-lazuli, puis rouge. Lui, ténébreux rasé de loin, boucles rebelles et démarche avantageuse. Caricatural ? Un rien... Le monde de l'opéra a-t-il réellement besoin de nous prouver qu'il peut aussi générer ce type d'icônes pour magazine «people » ? Aujourd'hui, vraisemblablement oui.

De surcroît, ces stars bougent devant l'orchestre avec un naturel parfait, comme à la scène, recréant successivement les ambiances de trois ouvrages différents, programme judicieux sur le thème «Je t'aime... moi non plus ». Des situations passionnelles contrariées, reconstituées avec intensité : airs et duos extraits de Werther, Carmen (un meurtre final perpétré ici d'une simple bourrade, qui suffit cependant à jeter l'une, toute pantelante, dans les bras de l'autre...), et enfin Cavalleria rusticana.

Heureusement, les motifs d'émerveillement pour l'oreille sont aussi très nombreux. Et d'abord, la forme exceptionnelle d'Elina Garanca : la voix de la mezzo lettone, aux superbes couleurs opalescentes, a pris énormément d'ampleur et d'assurance. Dommage que la diction française ne suive pas toujours, tantôt claire, tantôt strictement opaque. Du côté de Jonas Kaufmann, les premières impressions sont inquiétantes : un vrai malaise se fait sentir et le chanteur paraît inquiet quant à ses possibilités du moment, nervosité particulièrement sensible dans «Pourquoi me réveiller», où tout se déroule cependant sans anicroche.

Il faut dire que le ténor allemand sort tout juste de quatre représentations d'Il trovatore à Munich (voir plus loin), et qu'entre deux d'entre elles, il a remplacé Klaus Florian Vogt au pied levé dans Lohengrin. On serait fatigué à moins ! Mais au fil de la soirée, la voix se réchauffe, et si Werther et Don José restent contraints, la seconde partie atteint des sommets de conviction, Jonas Kaufmann parvenant à restituer, avec beaucoup de tact, la sensibilité latente de Turiddu.

D'une place située un peu de côté, on continue cependant à s'interroger sur une technique dont les fragilités, examinées de profil, sautent aux yeux : mâchoire complètement éversée vers le bas pour chanter fort, en négligeant imprudemment l'appoint de la musculature des lèvres ; tubage obstiné des piani, sauf sur la quinte aiguë où, subitement, le front bascule et les résonateurs s'ouvrent enfin. Alors, le timbre change du tout au tout, devenant beaucoup plus beau... On espère simplement que la voix résistera durablement à ce régime de perpétuelles tensions, surtout au vu des échéances qui s'accumulent sur l'agenda de l'artiste, au cours des prochaines années.

En bis, avant un « Brindisi » de La traviata sans histoire, Elina Garanca interprète un fougueux air de zarzuela, et Jonas Kaufmann, «Du bist die Welt für mich», extrait de l'opérette Der singende Traum, composée par le légendaire ténor Richard Tauber. Avec cette chanson d'amour susurrée avec un sex-appeal appuyé, frissons d'extase dans l'échine garantis pour toute la partie féminine de la salle, au demeurant d'un âge moyen plus que respectable...

Au pupitre d'un correct Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern, Karel Mark Chichon, époux d'Elina Garanca, accompagne, avec beaucoup d'égards, les deux stars de la soirée. Il réussit même à intéresser dans les quelques pièces instrumentales figurant au programme.








 
 
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