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Altamusica, 25 février 2014 |
Monique BARICHELLA |
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Verdi: La forza del destino, München, Vorstellung 08. Januar 2014
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La Forza toute laideur dehors
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C’est dans son fief munichois que Jonas Kaufmann aborde Alvaro de la Forza
del destino aux côtés de sa soprano de prédilection, Anja Harteros, et d’un
cast difficilement surpassable par les temps qui courent. Hélas, une fois
encore, la soirée est gâchée par la vacuité d’une production aussi sotte que
laide signée Martin Kušej.
De Dimitri Tcherniakov et Peter
Konwitschny, de Richard Jones à Christof Loy, de Calixto Bieito à Carlus
Padrissa, Krzysztof Warlikowski ou Martin Kušej, qui occupe depuis 2011 le
poste d’intendant du Residenztheater de Munich, le Bayerische Staatsoper
s’est fait une spécialité de productions radicales parfois réussies mais
toujours dérangeantes.
C’est ainsi que le Munichois Jonas Kaufmann,
superstar maison, voit son premier Alvaro gâché par la totale indigence du
propos de Martin Kušej, qu’on a connu plus inspiré et rigoureux (Lady
Macbeth de Chostakovich en particulier) mais qui, ici, n’a strictement rien
à dire sur l’ouvrage ou les personnages.
À l’exception d’une première
scène cohérente, voire de l’ultime tableau sauvé par un décor symbolique
efficace constitué de croix blanches amoncelées et enchevêtrées, le
spectacle est simplement indéfendable de laideur et de vulgarité, de sottise
comme de prétention.
Il ne suffit pas d’habiller les protagonistes de
la pire manière actuelle pour prétendre à une relecture moderne d’un ouvrage
qui, par ailleurs, ne s’y prête guère. Encore moins d’accumuler tous les
poncifs éculés de scènes de barbarie, de tortures SM, de beuveries et de
partouzes trash pour masquer le vide d’un propos probablement anticlérical :
la communauté en costumes séculiers chicos qui accueille Leonora semble une
secte inquiétante et malsaine qui pourrait se justifier dans Parsifal, mais
n’a aucun rapport avec le contexte de La Forza.
On nage donc en total
contre-sens comme l’héroïne, immergée et à demi-noyée dans un bassin par des
religieux sadiques lors d’un ridicule cérémonial de purification. On note
aussi la présence récurrente d’une immense table à tout faire sur laquelle
se déroule un austère dîner familial avec bénédicité pendant l’ouverture et
sur laquelle les protagonistes vont tour à tour s’étriper, copuler, se
reposer et expirer, une table de bois où Melitone entrepose des boîtes-repas
destinés à des miséreux d’aujourd’hui.
L’indigence théâtrale
contraste avec une qualité musicale et vocale exemplaire par les temps qui
courent. Les chœurs sont somptueux et l’orchestre souple et nerveux, sans
raffinement excessif, sous la direction vigoureuse d’Asher Fisch.
Six
mois après Manrico, Jonas Kaufmann aborde avec succès le plus dramatique des
rôles de ténor verdien. Certes, le timbre, de plus en plus sombre, est moins
solaire que celui de Domingo baryton, mais l’art du chant, les nuances, le
style, la musicalité restent exceptionnels et il surmonte les difficultés de
la tessiture. Surtout, on ne voit pas qui ferait mieux aujourd’hui.
Même constat concernant Anja Harteros, qui séduit par sa présence fiévreuse
et sa classe, par les beaux accents de Son giunta et détaille divinement un
Pace, pace, mio Dio ! convenant idéalement à sa voix. Pour autant, les aigus
forte sont toujours durs et il faut n’avoir jamais entendu un véritable
soprano verdien (Leontyne Price ou même Montserrat Caballé) dans le même
rôle pour délirer sur une Leonora qui n’est anthologique que dans le
contexte actuel.
L’unique authentique chanteur verdien, si l’on se
réfère à la tradition, est Ludovic Tézier, dont les moyens insolents et le
punch sont dignes d’un Piero Cappuccilli, mais avec le raffinement d’un
Renato Bruson ! Renato Girolami est un Fra Melitone exceptionnel et Vitalij
Kowaljow, qui assume également le Marchese di Calatrava, un Padre Guardiano
irréprochable. Enfin, Nadia Krasteva en mini short et jambes nues assume une
nouvelle fois la Preziosilla putassière qu’on lui fait jouer un peu partout
et qu’elle assume avec autant de naturel que de décibels.
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