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Concerto Net |
Claudio Poloni |
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Verdi: Don Carlo, Salzburger Festspiele, Vorstellung 28. August 2013
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Un couple lyrique de rêve
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Don Carlo aura été la production phare de l’édition 2013 du Festival de
Salzbourg. Grâce essentiellement au couple formé sur la scène du Grosses
Festspielhaus par Anja Harteros en Elisabeth et Jonas Kaufmann en Don
Carlos, un couple lyrique irrésistible aujourd’hui, le plus excitant qui
soit. Elle, port altier, démarche royale, capable de « pianissimi » éthérés
à couper le souffle tout comme de grands élans extatiques parfaitement
maîtrisés jusque dans la moindre inflexion, campant une Reine d’Espagne
lyrique et passionnée. Lui, avec son timbre sombre et corsé reconnaissable
entre tous, déclinant une palette infinie de nuances et de couleurs, de la
douceur à la rage, incarnant un Infant blessé et vulnérable. Leurs duos ont
été chargés d’une intense émotion, mais aussi, notamment à l’acte I, d’une
tension érotique palpable. Qui a dit que les grands chanteurs verdiens
avaient disparu aujourd’hui ?
L’Eboli volcanique d’Ekaterina
Semenchuk se hisse au même niveau, princesse aux moyens vocaux
impressionnants, avec notamment des graves capiteux et un aplomb stupéfiant
dans les passages virtuoses. Thomas Hampson n’est peut-être pas le baryton
verdien idéal, en raison de son manque de « legato », mais son Posa est un
modèle de classe et de prestance. Matti Salminen en Philippe II n’est plus
que l’ombre de lui-même, vociférant au lieu de chanter, mais quelle autorité
dans la voix, notamment dans ses avertissements glaçants martelés à la fin
de son duo avec Posa. Le Grand Inquisiteur d’Eric Halfvarson fait froid dans
le dos, encore plus noir et inflexible qu’à l’accoutumée. Parmi les rôles
secondaires, on trouve le meilleur comme le pire. Le meilleur : le Tebaldo
plein de fraîcheur de Maria Celeng, ainsi que le Comte de Lerma de Benjamin
Bernheim, un rôle certes très court, mais qu’on n’a jamais entendu aussi
bien chanté. Le pire : le moine tellement mal chantant de Robert Lloyd, un
artiste qui massacre systématiquement tous les rôles italiens qu’il
interprète à Covent Garden. On soupçonne Antonio Pappano de l’avoir pris
dans ses bagages de Londres à Salzbourg. Quant au chœur de l’Opéra de
Vienne, il fournit tout simplement une prestation mémorable.
Traditionnelle, la mise en scène de Peter Stein raconte tout simplement
l’histoire, sans surprises. Beaucoup de grands gestes, de magnifiques
costumes d’époque, des décors dépouillés qui baignent dans des lumières très
suggestives. Le metteur en scène s’est concentré sur Don Carlos, dépeint ici
comme un jeune homme velléitaire, névrosé et bourré de tics, négligeant
quelque peu les autres personnages, moins bien caractérisés. Le
Philharmonique de Vienne est dans la fosse, et cela s’entend, notamment au
soyeux des cordes, à l’onctuosité des bois, mais aussi aux accents du
violoncelle solo, qu’on n’a jamais entendus si impérieux dans l’introduction
du grand air de Philippe II. Pour son premier opéra à Salzbourg, Antonio
Pappano cisèle la partition en orfèvre et privilégie les longues phrases
majestueuses, au détriment peut-être de la tension dramatique, mais quel
son, quelles couleurs ! Et quel bonheur de pouvoir enfin écouter la version
italienne intégrale de ce chef-d’œuvre, et de savourer des passages trop
souvent supprimés. Alors à quand la version française ? En cette année du
bicentenaire de la naissance de Giuseppe Verdi, aucune grande scène lyrique
internationale n’a osé la programmer. Dommage. Jonas Kaufmann a déclaré dans
une interview qu’il aimait beaucoup le rôle de Carlo et qu’il serait prêt à
l’apprendre en français. Directeurs de théâtre, à bon entendeur...
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