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Diapason, 20/08/2013 |
Par Emmanuel Dupuy |
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Verdi: Don Carlo, Salzburger Festspiele, 13. August 2013
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Salzbourg : triomphe d’Anja Harteros et de Jonas Kaufmann dans Don Carlo de Verdi
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Mis en scène par Peter Stein et diffusé sur Arte le 16 août, Don
Carlo a offert une nouvelle victoire en terres verdiennes à Anja Harteros et
Jonas Kaufmann.
Le théâtre de Peter Stein a ceci de commun
avec celui de Patrice Chéreau qu’il ne procède que du texte. C'est du texte
et de lui seul qu'il tire sa grâce physique, autant que sa force visuelle,
son évidence psychologique ou sa portée politique. Pour Stein et son
décorateur Ferdinand Wögerbauer, une forêt est une forêt, un cloître est un
cloître, une cellule est une cellule, etc.
Entre
Fontainebleau et l’Espagne
Nulle transposition, donc –
comment cela se pourrait-il pour un opéra à ce point inscrit dans l'Histoire
–, nous sommes bien au XVIe siècle, entre Fontainebleau et l'Espagne, comme
l'indiquent les très beaux costumes d'Annamaria Heinreich. Tout au long des
neuf tableaux, l'intrigue garde la limpidité du cristal, rien n'entrave la
fluidité de ses enchaînements ; ce n'est jamais trop ni trop peu, c'est
toujours juste ce qu'il faut, cet équilibre en toute chose rappelant l'art
d'un autre géant de la mise en scène : Visconti.
Trop sage
Antonio Pappano
Le sens de l'équilibre semble caractériser
aussi la direction d'Antonio Pappano qui obtient des Wiener Philharmoniker –
et des chœurs – une cohésion phénoménale. Le trait est d'une précision
millimétrique, les alliages savamment dosés, mais le grand vent de l'épopée
se raréfie, la fièvre ne monte guère, la tension se relâche. Il faudrait du
sang et des larmes, on n'a qu'un flot de beautés sonores.
Thomas Hampson inébranlable
Hormis le Philippe II de Matti
Salminen, qui a désormais l'âge d’être le grand-père de l'Infant plutôt que
son père, le plateau évolue dans les plus hautes sphères. Thomas Hampson
promène lui aussi son Rodrigo tout autour de la planète depuis quelques
décennies (on se souvient du Châtelet en... 1996) ; si la tierce supérieure
s'est un rien durcie, ce marquis de Posa continue à porter beau, campé sur
un baryton à la plastique irréprochable. Autre vétéran, Robert Lloyd prête
sa voix au fantôme de Charles Quint ; l'émission tremble un peu, mais le
timbre a gardé son impact. De même, le Grand Inquisiteur d'Eric Halfvarson
est d'une brutalité toujours implacable.
Ekaterina Semenchuk
princière
Le niveau monte d'un cran avec Ekaterina
Semenchuk ; cette princesse Eboli fait tourner ses voiles avec aplomb,
jouant de toutes les séductions d'un capiteux mezzo et trouvant, lors des
aveux, les pitoyables accents d'une sincère contrition.
Anja
Harteros et Jonas Kaufmann au sommet
Enfin, quelques
semaines après un mémorable Trouvère munichois, Anja Harteros et Jonas
Kaufmann partagent une nouvelle victoire. Elle, Elisabetta chair et pleur,
drapée dans la vastitude de son fier soprano, avec quelque chose de plus en
plus callassien dans les manières, ce mélange de maîtrise et d'abandon qui
n'appartient qu'aux plus grandes. Lui, Carlo au tempérament fragile mais au
chant d'airain, pas heldentenor pour un sou, trouvant on ne sait où une
lumière latine que colore tout un arc-en-ciel de nuances, sertissant de
mille élégances le moindre phrasé. Quand l'art du chant atteint de tels
sommets, on n'est plus à Salzbourg, on n'est plus sur terre. On est
ailleurs.
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