|
|
|
|
|
Concertonet |
Claudio Poloni |
Bizét: Carmen, Salzburger Festspiele, 19.8.2012
|
Georges Bizet: Carmen
|
|
|
En prenant ses fonctions à Salzbourg, Alexander
Pereira, le nouveau directeur du célèbre Festival, a déclaré qu’il n’y
aurait dorénavant plus de reprises dans la cité de Mozart, mais uniquement
de nouvelles productions. La Carmen présentée cet été va donc
disparaître définitivement, ce qui est une bonne nouvelle. Créée en mars
dernier, elle restera néanmoins dans les annales, non pas pour ses mérites
artistiques mais uniquement pour avoir été le dernier spectacle de la
Philharmonie de Berlin au Festival de Pâques de Salzbourg, manifestation
fondée par Herbert von Karajan et à laquelle les musiciens berlinois ont
participé chaque année sans exception. Mais les choses changent, et à partir
de 2013 c’est la Staatskapelle de Dresde et son chef Christian Thielemann
qui seront dans la fosse de Salzbourg à Pâques, Sir Simon Rattle et les
Berlinois ayant cédé aux sirènes de Baden-Baden.
Même si le
Philharmonique de Berlin a été remplacé par Vienne cet été, le constat
demeure:
cette production de Carmen n’est pas à la hauteur
d’un grand festival. Comme on pouvait s’y attendre, la metteur en scène
Aletta Collins, chorégraphe, a réglé de nombreuses scènes de danse, dont on
peine cependant à comprendre ce qu’elles apportent au spectacle, si ce n’est
à lui conférer une note enjouée, festive et folklorique. La direction
d’acteurs est des plus sommaires. Habitué du rôle de José, Jonas Kaufmann
s’en accommode parfaitement, mais le cas de Magdalena Kozená est plus
problématique:
pour sa première Carmen, elle reste le plus souvent les bras ballants
et empruntée dans ses mouvements. Par ailleurs, les énormes décors de Miriam
Buether ne sont pas des plus esthétiques. Le premier acte est situé à
l’intérieur d’une manufacture de tabac très fonctionnelle, où Carmen descend
en ascenseur accompagnée par un officier. Au deuxième acte, Lillas Pastia
est une maquerelle qui présente des filles aux soldats fréquentant sa
lugubre taverne. Frasquita et Mercédès sont des jumelles blondes faisant
irrésistiblement penser aux sœurs Kessler. Le troisième acte est dominé par
un immense tunnel dans lequel vont et viennent les contrebandiers. Seul le
quatrième acte, une place au milieu de Séville, ravit les yeux par sa
débauche de vie et de couleurs.
Vocalement, la
Carmen de Magdalena Kozená laisse une impression très mitigée. Il convient
néanmoins de reconnaître un grand mérite à l’interprète:
son personnage n’est jamais vulgaire, mais retenu, sobre et
distingué, à l’image de son chant, et son français est excellent. Mais pour
le reste, est-elle véritablement Carmen? La voix est beaucoup trop claire
pour un rôle aussi sombre, beaucoup trop mince, manquant de consistance et
de médium, pour une salle aussi vaste, quand bien même Sir Simon Rattle ne
ménage pas ses efforts pour ne pas couvrir son épouse, ce qui le contraint à
une lecture certes équilibrée, mais plate. Bref, cette Carmen ressemble à
une chatte, alors qu’elle devrait être une tigresse, à aucun moment elle ne
dégage la complexité ni la sensualité et la volupté du personnage. Comble de
malchance, l’Escamillo de Kostas Smoriginas n’a guère d’envergure.
Après ses ennuis vocaux du printemps qui l’ont contraint à annuler
La Walkyrie à New York et
Les Troyens à Londres, Jonas Kaufmann fait
son retour sur scène en grande forme, ayant visiblement recouvré tous ses
moyens. Il éblouit surtout par son sens des nuances, conférant notamment au
finale de "La fleur que tu m’avais jetée" des pianissimi hallucinants ainsi
qu’une variété de couleurs à ses interventions du dernier acte, passant de
la supplication et du désespoir à la colère la plus noire. La
Micaëla idéale de Genia Kühmeier est une révélation et on saluera également
la belle prestation de Jean-Paul Fouchécourt en Remendado. On l'aura
compris, au final le bilan se révèle bien maigre.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|