Concertclassic
François Lesueur
 
Beethoven: Fidelio, Paris, Théâtre des Champs Elysées, 30. Oktober 2012
 
Fidelio au TCE - Ivresse beethovenienne
 
 
C'était avec Tristan et Isolde à Pleyel, le concert le plus excitant de ce début de saison. Comment résister en effet à l'appel de deux gloires du chant germaniques de la trempe de Waltraud Meier et de Jonas Kaufmann (photo), réunies pour la première, et peut être la seule fois, de leur carrière ? Malgré sa difficulté vocale et sa construction parfois bancale due à de constants remaniements et aux incertitudes exprimées par Beethoven face à l'opéra, Fidelio demeure une œuvre unique, exaltante tant pas sa puissance musicale, que la vivacité de son message.

Sans surpasser Claudio Abbado dans sa récente et éblouissante prestation suisse (Decca- Festival de Lucerne 2010), ou l'inoubliable Kurt Masur en concert au TCE le 21 février 2011(1), Adam Fischer parvient après quelques dérapages et un flottement dans la mise en place des différentes masses sonores, à imposer son rythme et à insuffler à l'Orchestre du Bayerische Staatsoper, une ton très personnel. Sa direction altière et frondeuse, fouette la partition et porte haut les aspirations d'un compositeur aux idées universelles et intemporelles.

A 56 ans, Waltraud Meier vient encore au bout du rôle-titre (chanté sans partition !), qui avouons-le n'a jamais été vraiment dans ses meilleures notes, mais qu'elle a su faire sien à force de pugnacité et d'intelligence, comme nous avons pu le constater de Milan, le 7 décembre 1999 avec Muti, à Valence avec Mehta en 2006, en passant par le studio avec Barenboim (Teldec 1999). Dits avec la puissance d'une comédienne, les passages parlés possèdent l'urgence et la tension exigés par ce personnage, qui craint à tout instant de se faire démasquer. La cantatrice met certes plus de temps qu'autrefois à chauffer son instrument, dont les couleurs sont moins vives, mais celui-ci couvre toute la tessiture sans peiner dans les ensembles. Toujours engagée, Waltraud Meier livre un très bel « Abscheulischer », tenu aux extrêmes, brûlant d'intensité, où se lisent l'humanité, l'espoir et la passion. Si elle forme avec la voix profonde et chaleureuse de Matti Salminen, Rocco tout en rondeur et en générosité, un très beau duo, son timbre s'harmonise parfaitement avec celui de Jonas Kaufmann (photo) dont la matière vocale, la richesse harmonique et la sombre chaleur sont un baume pour l'oreille.

Comme à Paris, Munich et au disque (avec Abbado et Nina Stemme), Kaufmann est l'un des Florestan les plus extraordinaires qui soient, techniquement sans rival - son « Gott » est entré dans l'histoire – qui peint à merveille la détresse absolue dans laquelle est plongé son personnage, terré au fond d'un cachot, avant de trouver le courage de crier son amour et sa reconnaissance à sa femme venue le sauver. Autour de ce couple enthousiasmant, la Marzelline très affirmée de Hanna Elisabeth Müller, le Jaquino raffiné d'Alexander Kaimbacher et le jeune Tareq Nazmi en Don Fernando tentent de tirer leur épingle du jeu ; seule ombre au tableau, le Pizzaro sonore et dépourvu de finesse de Tomasz Konieczny. Un très grand moment de musique.









 






 
 
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