Le Figaro, 31/10/2012
Christian Merlin
 
Beethoven: Fidelio, Paris, Théâtre des Champs Elysées, 30. Oktober 2012
 
De grandes voix pour Fidelio
 
Waltraud Meier et Jonas Kaufmann étaient, mardi, au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris pour une version de concert de Fidelio.
 
Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas joué les rabat-joie. Le mauvais rôle, assurément, mais assumons. La version de concert du Fidelio de Beethoven, mardi soir au Théâtre des Champs-Elysées, promettait d'être une nouvelle soirée électrique comme on a connu plusieurs ces derniers temps. Les ingrédients étaient assez époustouflants, à commencer par une distribution de monstres sacrés. Elle n'a pas déçu. Le rôle de Léonore confronte désormais l'immense Waltraud Meier à certaines limites vocales, ce qui se traduit bien par quelques stridences, mais la ferveur, l'incandescence de torche vive, ce qui fait l'essence même de Léonore, elle les a ô combien. On attend la spécialité de Jonas Kaufmann: commencer son cri initial, «Gott», par un pianissimo immatériel et enfler progressivement le son jusqu'à l'immensité. Il l'a fait, c'est systématique mais on en redemande, et toute l'interprétation est de la même eau, inégalable aujourd'hui. Matti Salminen? À 67 ans, la basse finlandaise est considérable et inaltérée: une montagne. Ajoutez que Tomasz Konieczny est un solide Pizarro, et que les seconds rôles permettent de découvrir de formidables pointures de demain comme le Ministre de Tareq Nazmi et surtout la Marcelline de Hanna Elisabeth Müller, qui éclipserait tous les autres par sa lumière, bref: voilà bien le grand Fidelio que l'on attendait.

Un souffle inspiré qui manquait cruellement

Alors pourquoi s'est-on ennuyé? Parce que Fidelio n'est pas un opéra comme les autres, ce n'est même pas un opéra: c'est un acte de foi, un cri de ferveur. Et pour en unifier les climats hybrides, pour maintenir tendu le grand arc qui mène de la première note de l'ouverture à la dernière du chœur final, un seul maître d'œuvre: le chef, architecte et visionnaire. Or, pour le concert exceptionnel qu'ils donnaient à Paris, le chœur et l'orchestre de l'Opéra d'État bavarois, formidable troupe que l'on ne manque jamais une occasion d'applaudir à Munich, n'avaient à offrir qu'Adam Fischer, éternel tâcheron routinier qui semble s'excuser d'être là. C'est trop peu, et dès l'ouverture, cet orchestre qui nous a si souvent transporté dans Wagner ou Strauss, se révèle incertain, terne, moyennement homogène. Et quitte à reprendre la tradition mahlerienne de jouer l'Ouverture Léonore 3 avant le dernier tableau (sans l'accord initial, à la façon de Bernstein), autant le faire avec un souffle inspiré qui manquait cruellement. Et voilà Fidelio réduit à une succession de numéros de chanteurs: le public, en délire, a su s'en satisfaire, nous pas.









 






 
 
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