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Opéra, Juin 2012
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par Monique Barichella |
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Salzbourg Carmen, 9.4.2012
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Sitôt vue, sitôt oubliée
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Sitôt vue, sitôt oubliée. Ni franchement traditionnelle ni vraiment
originale, ni austère ni spectaculaire, cette Carmen, en coproduction avec
le Teatro Real de Madrid, ne restera dans les annales salzbourgeoises que
comme ultime spectacle du festival de Pâques assuré par l'Orchestre
Philharmonique de Berlin, présent dès la naissance de la manifestation, en
1967, à l'initiative d'Herbert von Karajan. La rupture a été décidée l'an
dernier et il y aura, en 2013, deux Festivals de Pâques: l'un à Baden-Baden,
avec le Philharmonique de Berlin et Simon Rattle(Die Zauberflöte); l'autre à
Salzbourg, avec la Staatskapelle de Dresde et Christian Thielemann
(Parsifal).
A quoi bon situer Carmen pendant la période franquiste -
plutôt années 1950 - si ce choix n'a aucune justification politique ou
sociale? On n'a pas attendu la choréographe britannique Aletta Collins pour
rendre l'héroïne de Mérimée intemporelle, voire résolument moderne. Vu le
parcours de la metteuse en scéne, on ne s'étonnera pas que le seul point
positif du spectacle reste la judicieuse intégration de la danse dans
l'action, non comme un élément festiv et folklorique, mais avec des artistes
de flamenco symbolisant le destin tragique de Carmen et Don José.
Les
décors massifs de Miriam Buether n'aident guère à suivre l'action. On ne
comprend d'ailleurs rien au contexte du premier acte, avant de réaliser
tardivement que nous ne sommes pas à l'intérieur de la caserne, mais dans la
manufacture de tabac - Carmen, descendue des étages supérieurs, faisant son
entrée en ascenseur dans les bras d'un officier...
Le II se situe
dans un cabaret glauque; Lilas Pastia en est la tenancière-maquerelle. Plus
étrange, le III nous conduit dans un tunnel, où les contrebandiers promènent
leurs ballots dans les mêmes tenues de soirée vulgaires qu'à l'acte
précédent, ce qui rend Frasquita et Mercédes, jumelles au look de Barbie,
particulièrement grotesques. Au IV, on note que Don José n'est pas
repoussant; au contraire, il s'est fait beau et a revêtu son costume de
dimanche, orné d'un brassard de deuil, pour récupérer celle qu'il aime.
Comme on pouvait s'y attendre, Magdalena Kozena est une Carmen
atypique,dont le mérite essentiel est de n'être jamais vulgaire. Sobrement
habillé de noir, son personnage de chatte sauvage tient la route aux deux
premiers actes; en revanche, au dernier, l'artiste est desservie par son
atroce robe "de gala" et sa coiffure "chic". Son français est soigné et
compréhensible, comme celui de la plupart des interprétes. Vocalement, la
mezzo tchèque n' est jamais indigne, mais l'instrument, trop clair, trop
mince, manque de chair, d'étoffe et de couleurs, et, plus encore, de médium.
Dans une salle aussi vaste, il est probable que Kozena passerait
difficilement la rampe sans l'aide d'un maestro attentif à ne jamais couvrir
son épouse... Au Moment des saluts, après le triomphe légitime
réservé à l'idéale Micaëla de Genia Kühmeier et au Don José non moins
superlatif de Jonas Kaufmann, la timidité des applaudissements à son
encontre est une cruelle épreuve. Si on a vu le ténor allemand
dramatiquement plus engagé dans d'autres productions - ici, le personnage
est timide, timoré, prèsque anonyme - , il démeure égal à lui-même sur le
plan vocal et stylistique, après avoir été sublime , trois jours plus tôt,
dans "Das Lied von der Erde" de Mahler, avec Anne Sofie von Otter.
Kostas Smoriginas est un pâle Escamillo; André Schuen et Jean-Paul
Fouchécourt, en revanche, méritent une mention .
La direction
équilibrée, vive, souple, parfois langoureuse et même enflammée (pour
l'Ouverture) de Simon Rattle rend justice à Bizet. Le spectacle reviendra à
l'affiche cet été mais, cette fois, avec la Philharmonie de Vienne, ce qui
devrait modifier sensiblement les sonorités et les couleurs.
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