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Anaclase
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par david verdier |
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Konzert, Paris, 12. März 2012
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Jonas Kaufmann chante Gustav Mahler et Richard Strauss
Andris Nelsons dirige le City of Birmingham Symphony Orchestra
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S'il est une chose qu'on ne peut pas reprocher à Andris Nelsons, c'est de se
replier sur un répertoire routinier ou de se tailler une réputation de chef
faite de coups d'éclats et de plans de communication. Au lendemain d'un
Tristan de belle envergure [lire notre chronique de la veille], le voici de
retour sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, aux côtés de Jonas
Kaufmann dans un programme mixte – à la fois Lieder avec orchestre et
répertoire symphonique. Le City of Birmingham Symphony Orchestra présente
pour l'occasion quelques modifications par rapport à la veille ; on peut
comprendre aisément que le fait d'enchaîner deux soirées aussi exigeantes
aurait porté un coup fatal à certains solistes…
Du premier coup
d'œil, on devine que la salle – pleine à craquer – n'est pas venue écouter
prioritairement la Deuxième symphonie de Sibelius. De la même manière, ni
les noms de Gustav Mahler ou de Richard Strauss ne sauraient justifier le
succès de la soirée… sans doute même, pour les plus jeunes d'entre eux, n'en
ont-ils jamais entendus parler avant ce soir. Heureux sont-ils d'entendre
annoncer au début du concert que Jonas Kaufmann chantera les
Kindertotenlieder en première partie et une sélection de plusieurs pages de
Richard Strauss avec orchestre dans la seconde, juste avant la symphonie du
Finlandais.
Dès l'entame du concert, il faut faire l'effort d'oublier
le beau récital donné récemment avec le pianiste Helmut Deutsch [lire notre
chronique du 20 février 2012]. Les intentions (techniques et expressives) de
l'écriture de Mahler ne « tombent » pas naturellement dans le format naturel
de la voix de Jonas Kaufmann. La présence d'une partition entre ses mains
trahit un certain manque d'assurance. La tradition discographique a attribué
cette œuvre à des voix de baryton ou de contralto (Kathleen Ferrier pour ne
pas la citer). C'est pourtant oublier qu'en 1905, Mahler avait destiné la
création de ces œuvre intimistes à trois grandes voix masculines de l'Opéra
de Vienne : les barytons Anton Moser et Friedrich Weidemann, ainsi que le
ténor Fritz Schrödter.
Si elle a de quoi surprendre par son caractère
inaccoutumé, la proposition de Jonas Kaufmann n'en reste pas moins
intéressante, dépassant le simple aspect documentaire ou expérimental. Le
hautbois fébrile dans les premières mesures de Nun will die Sonn' so hell
aufgehn n'est sans doute pas le partenaire idéal pour chanter en toute
confiance. En maintenant sa voix dans un registre trop grave, Kaufmann a
l'air de se prendre tout seul à des pièges qu'il se serait lui-même tendus.
La montée à nu sur Nun seh' ich wohl, warum so dunkle Flammen n'en est pas
moins cruelle pour une voix subitement trop exposée. Inutile de chercher les
orages et le ciel bas d’In diesem Wetter,le ténor joue à se fondre ton sur
ton avec la trame orchestrale. C'est très peu spectaculaire d'effet, juste
une variation de gris presque sans affect dont la variation même serait
l'enjeu de l'interprétation.
Chassez le naturel, il revient avec
Richard Strauss. Du bouquet de l’Opus 27 émerge Ruhe meine Seele,
quasi-cabotin, au timbre bien plus libre qu'en première partie. Même si le
point aveugle de la voix se déplace imperceptiblement vers des zones plus
sombres, Morgen demeure le principal intérêt de cet ensemble de Lieder. On
peut toutefois préférer la version piano, certes dégraissée et séraphique
dans son immobilité, mais débarrassée de cet encombrant solo de violon qui
répand un jour sirupeux sur une écriture au demeurant fort mièvre. Dans
Cäcilie, le volume de l'orchestre oblige la voix à tendre vers la prouesse,
fâcheux inconvénient quand on considère l'intimité du poème, esquissée au
piano et rendue explicite dans cette version-là. Deux surprises viennent
compléter avec bonheur cet ensemble, Heimliche Aufforderung et le célèbre
Zueignung, donné en bis dans un délire d'applaudissements.
Il n'est
pas certain que le choix de la Symphonie en ré majeur Op.43 « Italienne » de
Sibelius soit le plus pertinent pour conclure la soirée. La vivacité de
cette écriture regarde davantage vers une forme de paysage intérieur,
élégamment démonstrative. Nelsons en souligne la structure lumineuse, comme
dans le thème de l'Allegretto, en forme de pointillés qui se perdent à
l'infini. Le beau volume sonore a tendance à dévorer les détails à la marge
de la partition, les cordes jouant assez librement et sans retenue. Dans
l'Andante, on admire ces pizzicati qui disparaissent dans l'ombre, sans
vibrato. Le difficile duo de bassons achoppe sur des problèmes de justesse
quasi-inévitables, rapidement noyés dans la masse orchestrale. La manière de
dialogue du vent et de la mer ouvre un Vivacissimo auquel manque le contrôle
du poids des notes dans la conduite harmonique. Dans le finale, Nelsons
ouvre une image sonore dimensionnée par une optique grand angle. Les
fantômes wagnériens de la veille ne semblent pas tous dissipés, malgré un
hautbois assez prosaïque. Comme souvent chez Sibelius, la symphonie refuse
de mourir et n'en finit plus de ruisseler d'or et de transpiration, si peu
métaphysiques. En bis, les cordes sont à l'honneur dans l’orchestration de
l’Andante festivo pour quatuor, d'un lyrisme panthéiste très généreux.
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