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Concertclassic.com, 28 Février 2012
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François Lesueur |
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Recital, Théâtre des Champs-Élysées, Paris, le 20/02/2012
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Jonas Kaufmann en récital – Moment de grâce
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Jonas Kaufmann poursuit avec une régularité de métronome son inéluctable
ascension vers le Panthéon des ténors. Aussi à l'aise sur les planches où il
donne vie à d’idéales et très différentes figures de héros, qu'il semble
réinventer à l'envi, de Werther à Siegmund, en passant par Faust,
Cavaradossi, Don José ou Florestan, en attendant Enée qu'il réserve aux
Londoniens, qu'en concert, ou en récital, toujours prêt à partager avec le
public sa passion pour la mélodie, Kaufmann est un artiste complet, un
exceptionnel touche à tout. Ceux qui avaient assisté à son premier récital
parisien au Palais Garnier en novembre 2008 ont pu mesurer, lors d’un
récital de la série « Les Grandes Voix », combien l'impact de son
anthologique Werther filmé par Benoît Jacquot avait été déterminant, une
salle comble étant rassemblée pour applaudir une idole devenue
incontestable.
Fidèle à Liszt dont il avait donné en 2008
d'inoubliables Sonnets de Pétrarque, Jonas Kaufmann a sélectionné des lieder
sur des poèmes de Heine, Goethe, Kuh et Lenau abordés comme toujours avec un
sens du drame et de l’évocation proprement éblouissants, entraînant
l'auditeur sur des chemins arides, sans craindre la dépression du Roi de
Thulé (Es war ein König in Thule), ou l'étrange rencontre de trois tziganes
étendus sous un saule (Die drei Zigeuner), pièce dans laquelle Schwarzkopf
ne craignait pas de déformer sa voix jusqu'à la laideur.
Puis ce fut
le tour des Rückert-Lieder, restitués dans toute leur ferveur et leur
dépouillement. Grave ou exalté, fragile ou déterminé, Kaufmann les a phrasé
sur le souffle, nuancé à l'infini avec cette manière unique d’étirer les
notes, même les plus aiguës, jusqu’à les faire flotter sans qu'elles ne
retombent : dans sa bouche Ich bin der Welt abhanden gekommen semblait entre
ciel et terre, pur instant de lévitation.
Après être allé jusqu'au
bout du romantisme avec l'assentiment d'Helmut Deutsch, pianiste de haut
vol, le ténor allemand passait avec la même sensibilité à Duparc, sublimant
de sa voix d'ombre et de lumière, au magnétisme rare, les vers de Baudelaire
(somptueuses Invitation au voyage et Vie antérieure), mais également Leconte
de Lisle (voluptueuse Phydilé), de Bonnières et Lahor, déclamés dans un
français incomparable.
Les lieder de Strauss étaient tout aussi
accomplis en termes de fini vocal, de style et de pénétration psychologique
: du voisin sarcastique prestement dépeint par Heine (Schlechtes Wetter) aux
adieux déchirants de Befreit, des silences lourds de sens de Morgen aux
glorieux émois provoqués par Cäcilie, l'artiste à la fois proche de Vickers,
pour le métal, et de Wunderlich, pour la morbidezza, s'est livré sans
réserve pour notre plus grand plaisir.
Pour couronner ce moment de
grâce, Jonas Kaufmann, dans une forme vocale éblouissante, est revenu à cinq
reprises d'abord avec Strauss, se risquant aux impalpables piani du
Freundliche Vision et au messa di voce du célèbre Zueignung, avant de
s'attaquer à l'un de ses bis préférés, l’envoûtant « Dein ist mein ganzes
Herz » extrait de Das Land des lächelns de Lehar. Unique !
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