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Forumopera, 30.01.2011
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Maximilien Hondermarck |
Massenet: Werther, Vienne, Wiener Staatsoper, 17 janvier 2011
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KAUFMANN UND KOCH - K & K
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Difficile, même un an après, d’oublier les triomphales représentations
parisiennes de Werther. La sensibilité de la mise en scène, la subtilité de
la direction, l’extraordinaire homogénéité de la distribution, tout cela a
été abondamment commenté. Un cran en dessous, la reprise viennoise
souffre évidemment de la comparaison, malgré la présence rayonnante du
couple star formé par Jonas Kaufmann et Sophie Koch.
De leurs prestations superlatives il faut d’abord parler. Jonas
Kaufmann confirme, après sa prise de rôle parisienne, qu’il tient l'un des
plus grands rôles de sa carrière, tandis que le monde lyrique tient
certainement son plus beau Werther. Cette fois-ci sans doute plus rebelle
qu’élégiaque, la caractérisation du personnage en est que plus troublante.
La voix, aux reflets de plus en plus ombreux, se fond dans chaque phrase du
héros romantique, à tel point que le ténor allemand semble les vivre avant
même de les chanter. Car que cherchons-nous dans Werther, si ce n’est
l’incarnation du texte et la difficile retenue des sentiments, bien avant
telle ou telle « performance » lyrique ? Même impression pour la
Charlotte de Sophie Koch, qui dans un français parfaitement articulé révèle
toute la douleur du déchirement et de l’ennui amoureux. La voix est
puissante mais la projection toujours maitrisée, les nuances toujours plus
subtiles, dans ce qui s’apparente davantage à la précision de la diction
théâtrale plutôt qu’à l’opulence lyrique (elle n’a d’ailleurs même pas
besoin de prouver qu’elle en possède tous les codes).
Nous l’avons
déjà dit, c’était l’homogénéité et le sentiment d’une compréhension mutuelle
et totale des membres de la distribution qui nous avaient, à Paris, fait
chavirer. Et c’est parce que cette condition n’est ici pas remplie que ces
représentations viennoises ne seront pas – ou en tout cas moins –
mémorables. Que vaut le premier acte si Charlotte et Sophie ne nous donnent
l’apparence d’une presque gémellité ? Car l’exemple de Ileana Tonca, membre
de la troupe du Staatsoper, est frappant. Incompréhensible dans ses
apparitions (somme toute brèves d’ailleurs), caricaturale dans son
interprétation, le personnage de Sophie disparaît, emportant avec lui
l’évocation de l’insouciance jeunesse dont rêve Werther. Même remarque pour
le Bailli de Janusz Monarcha, certes jovial, mais totalement engorgé et
dépassé par son petit rôle. Enfin, Adrian Eröd fait de son mieux, aidé par
une prononciation rare chez un non-francophone, pour rendre crédible son
Albert, malheureusement un peu jeune et trop transparent.
La mise en
scène d’Andrei Serban, dont c’est la 36e représentation, introduit plus de
violence dans l’œuvre de Massenet, au détriment de la tradition romantique.
L’action est transposée dans les années 60 (l’on comprend alors facilement
que Werther soit plus révolté que résigné par une fatalité), tout se jouant
autour d’un gigantesque arbre, se dénudant progressivement l’hiver meurtrier
approchant. Ce que Benoît Jacquot avait su traduire en regards et en subtile
réserve explose ici en grands gestes brusques et en déferlements de passion,
à l’image de ce Werther faisant voler au loin une chaise lors de son « Un
autre… son époux ! ». La scène finale, qu’Albert habite de son oppressante
présence, est bouleversante : une fois son amant tué, le piège se referme –
en même temps que le rideau – sur Charlotte, plus vulnérable que jamais.
La direction de Frédéric Chaslin se place résolument dans la même
optique que la régie. Vive, parfois trop éclatante, elle ne se dépare pas
d’une certaine « germanité » un peu lassante. Un comble pour un chef
français.
Dans l’Autriche impériale, il était une abréviation
aussi célèbre que le A.E.I.O.U. : K. & K., comme « kaiserlich und königlich
», symbole de l’unité des couronnes autrichienne et hongroise. Ce soir, elle
a revécu, avec une toute autre signification : « Kaufmann und Koch »,
l’empereur et la reine de l’opéra, leurs majestés lyriques.
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