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Opéra Magazine, juin 2011
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David Shengold |
Wagner: Die Walküre, Metropolitan Opera, 22. April 2011
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Die Walküre
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Le deuxième volet de la nouvelle Tétralogie du Met est moins décevant que le
premier (voir O. M. n° 56 p 58 de novembre 2010). Essentiellemént parce que
la distribution est nettement plus solide, la direction musicale de James
Levine accusant, ici et là, quelques inégalités.
Pour ce qui est de
la partie visuelle, on continue à se demander à quoi ont servi les sommes
colossales englouties dans la construction de la «Machine», ce monumental
dispositif aux mouvements souvent bruyants, qui constitue le coeur de la
vision de Robert Lepage - car on ne saurait, à son propos, parler de
véritable «concept» de mise en scène...
Les coups de théâtre, cette
fois, sont au nombre de deux : pendant le Prélude, les vingt-quatre
«planches» se transforment en troncs d'arbres couverts de neige, avant de
servir de montures aux Walkyries. Les accessoires sont au mieux fonctionnels
(les articles de cuisine de Sieglinde donnent l'impression d'avoir été
achetés chez IKEA !), les costumes style «saga nordique» de François
St-Aubin conférant, en revanche, une touche de distinction à l'ensemble.
La direction d'acteurs ? Plusieurs détails, au premier acte, donnent
l'impression que Lepage s'est plongé dans le texte wagnérien pour en tirer
quelques idées originales, mais l'«Annonce de la mort» ne montre pas la
confrontation entre deux êtres d'essence différente. Surtout, on regrette
qu'un homme de théâtre aussi doué se soit plié au diktat du Met, consistant
à «tout» montrer.
Pendant les récits de Siegmund, on nous inflige
ainsi des projections vidéo en ombres chinoises parfaitement ineptes,
censées illustrer le parcours familial plutôt chaotique des Wälsungen.
Au-delà du huitième rang d'orchestre, il est, de surcroît, impossible de
distinguer les personnages. Ce qui n'empêche pas Peter Gelb d'affirmer, dans
les colonnes du New York Times, que rien, dans les nouvelles productions de
la maison, n'est uniquement pensé pour la retransmission en HD dans les
cinémas du monde entier !
Souffrante le soir de la première, et
remplacée au bout d'un acte par Margaret Jane Wray, Eva-Maria Westbroek est
apparue en bonne forme, le 1' mai. Pour ses débuts tant attendus au Met, la
belle soprano néerlandaise a déployé en Sieglinde une voix aussi chaude
qu'opulente, en particulier dans le médium et le grave, d'une richesse
exceptionnelle, contrairement à l'extrême aigu.
Elle forme,
en plus, un couple parfaitement crédible avec Jonas Kaufmann, Siegmund
physiquement idéal, même si l'on reste en deçà de la charge érotique de
Leonie Rysanek et James King, jadis. Suivant clairement les pas du jeune Jon
Vickers, le ténor allemand, en débuts dans le rôle, est admirable de
musicalité dans le phrasé, comme de subtilité dans les nuances (quel legato
et quels effets dans le piano!). Le grave sonne sans doute un peu étouffé
mais, globalement, on ne peut que s'incliner devant la qualité de la
performance.
Stephanie Blythe dispose toujours de ses
formidables moyens et de son grave abyssal, mais l'aigu, strident, semble
désormais détaché du reste du registre. Présentée par Lepage comme une
espèce de sirène,emprisonnée dans une curieuse structure métallique,
l'interprète doit attendre les rares moments où Fricka est autorisée à se
lever, pour s'imposer sur le plan dramatique...
Hans-Peter König est
un Hunding d'un très fort relief; rappelant le Matti Salminen des grands
jours. Et Bryn Terfel, Wotan bizarrement détaché des événements dans Das
Rheingold, insuffle ici de l'énergie à ses accents et un véritable sens aux
mots. Sur l'ensemble, le chant du baryton-basse gallois procure de réelles
satisfactions.
Quant à Deborah Voigt, pour vraiment apprécier sa
Brünnhilde, il faudrait pouvoir oublier le rayonnement et les moirures
argentées de son timbre quand, il y a une dizaine d'années, elle enchaînait
Chrysothemis, l'Impératrice et Elisabeth de Tannhäuser. Il n'en reste plus
que des traces et, même si l'on a entendu pire au Met, il faut bien
reconnaître que la soprano américaine n'a plus le niveau exigé pour une
nouvelle production in loco. À plus d'un moment, on a l'im pression
d'entendre une bonne troupière, accourue d'Ulm ou de Krefeld pour pallier le
forfait de la ti tulaire : rien d'indigne, rien de mémorable non plus.
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