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La Presse, Canada, 23 avril 2011
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Alain de Repentigny |
Wagner: Die Walküre, Metropolitan Opera, 22. April 2011
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Die Walküre: les tableaux de Robert Lepage
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(New York) Robert Lepage a été accueilli très chaleureusement par le public
du Metropolitan Opera vendredi quand, avec son équipe, il est venu rejoindre
sur scène la distribution de Die Walküre et le chef d'orchestre James
Levine. Il était presque minuit et ce public exemplaire venait d'assister
dans un recueillement presque total à un spectacle de grande qualité pendant
plus de cinq heures.
Le pari n'était pourtant pas gagné d'avance. La
fameuse Tétralogie de Richard Wagner, dont Die Walküre est le chapitre le
plus joué, a ses fans purs et durs prêts à défendre bec et ongle leur vision
de ce monument de l'opéra, des gens tout âge qui vouent un véritable culte à
cette oeuvre comme cette jeune fille blonde qui portait un casque à
cornes... et une veste des Mets de New York. Lors de la première du prologue
Das Rheingold, en septembre 2010, quelques huées s'étaient glissées parmi
les applaudissements nourris saluant le travail du metteur en scène
québécois. Pas cette fois.
Il y avait pourtant parmi ce public de
première des spectateurs moins convaincus de la pertinence de l'énorme
machine de scène créée par l'équipe de Lepage. La chanteuse Patti Smith,
croisée au deuxième entracte, la trouvait lourde et encombrante et lui
imputait la responsabilité des trébuchements de Deborah Voigt, qui incarne
Brünnhilde, la Walkyrie. Mon voisin, critique d'opéra du quotidien berlinois
Die Welt, estimait pour sa part que la scénographie et les projections
n'ajoutaient rien à l'oeuvre et se demandait où étaient passés les 16
millions de dollars investis dans la production.
Un «coup de
théâtre»
Le moment le plus spectaculaire du Die Walküre de
Lepage, qui a d'ailleurs arraché quelques wow! de surprise aux spectateurs
qui venaient de regagner leurs sièges pour le début du troisième acte, fut
sans contredit la chevauchée des huit Walkyries montant les planches
amovibles de la machine de scène comme si elles étaient sur une balançoire à
bascule. Mais c'est moins ce «coup de théâtre» qu'on retiendra du travail de
Lepage et son équipe qu'une série de tableaux de toute beauté qui sont venus
illustrer ou appuyer le propos de Wagner.
Je pense à la scène de la
mort de Siegmund dans les bras de son père le dieu Wotan qui en est
responsable, avec Hunding, le mari trompé, qui agonise pas très loin, et sa
douzaine de sbires tout autour dont quelques-uns sont accrochés aux arbres
de la forêt. Une image très forte qui si elle était un tableau serait
louangée pour sa composition. La montagne créée par des projections sur les
planches verticales pendant la longue scène finale entre Wotan et
Brünnhilde, sa fille répudiée, retient l'attention même si ses avalanches
sont un peu mécaniques. Et, à la toute fin, la vue du sommet de la montagne
où repose une Brünnhilde endormie protégée par des flammes rougeoyantes est
saisissante. Certains auraient sûrement préféré à ces flammes virtuelles
celles, véritables, que nous donnent habituellement les metteurs en scène de
Die Walküre, mais l'effet de plongée obtenu par les planches verticales et
le corps de Brünnhilde couché la tête vers le bas est aussi efficace et
beaucoup plus esthétique. Plus enrichissant en tout cas que les projections
de silhouettes sur le toit de la maison de Hunding, au premier acte, qui
illustraient d'une façon tellement littérale l'histoire de Siegmund que ç'en
était redondant.
De grandes voix
Die Walküre
est une série de scènes à deux personnages confrontés à la fatalité. On
n'est plus dans le monde des dieux, des géants et des nains de Das Rheingold
et l'ensemble du spectacle, sans être naturaliste, a un côté un peu moins BD
sauf quand la déesse Fricka s'amène assise sur son trône motorisé.
De
toute façon, les dialogues chantés sont tellement forts qu'il est inutile
d'en rajouter. L'orchestre, dirigé par le maestro James Levine qui a de la
difficulté à marcher, mais n'a rien perdu de sa vigueur au pupitre, sait se
faire extrêmement discret quand il le faut pour laisser toute la place aux
chanteurs. Et quels chanteurs! On attendait la soprano Deborah Voigt, qui a
bien défendu sa première Brünnhilde au Met, mais ce sont surtout Bryn Terfel
(Wotan), Jonas Kaufmann (Siegmund) et Stephanie Blythe (Fricka) qui ont été
acclamés. À la fin du premier acte, le public s'est levé pour ovationner
Kaufmann et la soprano Eva-Maria Westbroek qui faisait ses débuts au Met.
Manque de pot, la jeune Néerlandaise ne se sentait pas bien et elle a dû
céder sa place à l'Américaine Margaret Jane Wray par la suite.
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