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Crescendo Magazine.be
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Bénédicte Palaux Simonnet |
Massenet: Werther, Paris, 26 janvier 2010
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Werther, Opéra National de Paris, 26 janvier 2010
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Idéale conjonction d’une partition, d’un metteur en scène, d’un orchestre,
d’un chef et de chanteurs aussi poètes que musiciens… chacun de ceux qui ont
eu la chance d’assister à l’une des représentations de ce Werther a pu faire
l’expérience de la puissance expressive de l’opéra lorsque tout et tous
concourent à la servir. Et non pas, à s’en servir. A tout seigneur
tout honneur, commençons par le héros du jour, Jonas Kaufmann. Son
incarnation de Werther transcende les souvenirs et l’imagination. Ne met-il
pas en pratique les conseils donnés à un débutant par le plus grand ténor
romantique français, Adolphe Nourrit ? « Soigne bien la qualité de tes sons,
chante librement et sans effort, n’exagère pas l’expression et le sentiment
et, avant tout, pense au charme, qui est la plus grande puissance de la
musique. La musique doit aller jusqu’au cœur… Rappelle toi bien que pousser
la voix n’est pas la faire sortir ; car crier n’est pas chanter. Tire le
meilleur parti possible des moyens que la nature t’a donnés, mais ne cherche
pas à t’en donner d’autres.»*. C’est dans cette lignée que le ténor,
impressionnant de concentration, déploie son timbre singulier, sombre, d’où
surgit la lumière des aigus, une diction naturelle, un phrasé admirablement
maîtrisé, modelé, caressant la note, ne l’attaquant jamais, avec une
incroyable intelligence du texte littéraire et musical au plus près de
l’émotion. La retransmission télévisée du même jour sur Arte a su capter
quelques aspects de l’art de ce très grand interprète. C’est que,
Benoît Jacquot, derrière la caméra comme dans sa mise en scène, affiche une
sorte de désenchantement qui, contrairement à l’opinion d’ Alain Duault,
concorde parfaitement avec « le spleen » de l’œuvre. Il a surtout le mérite
de ne jamais distraire l’attention du processus dramatique en action voire
de le sublimer. Ainsi le choix des tableaux à grands aplats ouverts sur le
ciel (au I et II), la froideur nordique (au II) et la chambre close du
dernier acte, survoltent l’impact musical. Qui oubliera au troisième acte la
vision de Charlotte, longue silhouette blanche, de dos, dans le décor
inspiré du peintre danois Hammerschoi ou du belge Paul Delvaux, tandis que
l’orchestre trace de son âme le portrait dévoré de nostalgie, de feu, de
souvenirs éthérées, d’élans réprimés ? Car ici l’orchestre de l’Opéra et son
chef, Michel Plasson, dont la joie efface toute fatigue, font surgir de la
partition les merveilles les plus délicates dans une grande vague inexorable
faite de réminiscences, de flux et reflux changeants, d’échanges
belcantistes entre la voix et tel ou tel instrument soliste. Le timbre chaud
de Sophie Koch en ces longs phrasés chargés d’affects fait d’elle une
Charlotte dont la simplicité douloureuse cède peu à peu aux torrents de la
passion. Dans le rôle de la petite sœur (Sophie), Anne-Catherine Gillet
apporte sa vivacité, sa voix lumineuse et fraîche, nuancée de gravité. Alain
Vernhes (Le Bailli), acteur et diseur dans la grande tradition de l’école
française de chant, s’ébroue, heureux comme un poisson dans l’eau. Ludovic
Tézier, prête sa superbe voix aux accents impitoyables du mari. Seconds
rôles et enfants de la maîtrise des Hauts de Seine et du chœur d’enfants de
l’Opéra de Paris, tous ont conscience -quelques défaut mineurs qu’on puisse
trouver ici ou là- de contribuer à un grand moment d’opéra.
Qui osera
encore dire que le public parisien n’est pas mélomane lorsque 2700 personnes
suspendent leur souffle aux pianissimi de Werther mourant, quand il font une
ovation au chef français à chacune de ses entrées, quand ils prouvent qu’ils
n’ont besoin d’aucune leçon pour faire la différence entre l’exhibition
narcissique de virtuosité, les prétentions de mise en scène et l’émotion qui
vous étreint en présence de la beauté ?
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*Lettre VIII Paris 13 juillet 1836 A Nourrit à un jeune chanteur ;
Quicherat correspondance 1867 |
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