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prestigium.com, 03/02/2010 |
Guillaume de Piédoüe |
Massenet: Werther, Paris, 14-I-2010
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[Natalie Dessay et ]Jonas Kaufman enchantent Bastille
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Musicalement, le « Werther » de Massenet est évidemment très différent. Sa
tonalité est beaucoup plus sombre, les contrastes moins forts, les voix
dominantes sont le mezzo-soprano (Charlotte) et le baryton (Albert), en
soutien d’un ténor dramatique (Werther) qui monte peu dans les aigus et
chante à la lisière du baryton. C’est toute la complexité de ce rôle de
Werther qui lui donne sa force. Il est magistralement incarné pendant les
trois heures de l’opéra par Jonas Kaufman (également très attendu), qui lui
non plus ne démérite pas une seconde en duo avec la très élégante
mezzo-soprano française Sophie Koch. Chanteurs très séduisants tous les
deux, Kaufman est un Werther parfait – silhouette élancée, cheveux bouclés
au vent, regard pénétré –, et Koch une Charlotte sublime – longs cheveux
blonds, taille fine, maintien tout en retenue. L’ensemble est soutenu
par une mise en scène très classique de Benoît Jacquot : des décors tableaux
sobres, dépouillés et poétiques, jouant sur les gris et les bleus ciel, et
appuyés par un jeu de lumière tout en délicatesse. Jacquot, essentiellement
réalisateur de cinéma (« Adolphe », « Villa Amalia », etc.) laisse aux
personnages tout le champ de s’exprimer et leur donne un tel rôle d’acteur
que la représentation filmée par Arte le 26 janvier enfreignait la
sacro-sainte règle de l’interdiction du gros plan sur les chanteurs.
Une mention particulière pour l’orchestre et la baguette de Michel Plasson,
qui fait un retour à Paris à la hauteur des attentes. Le soutien quasi
wagnérien des instruments à l’intrigue (Massenet utilise le principe des
thèmes en leitmotiv) est assuré brillamment. Plasson gagne en vigueur à
mesure que l’œuvre avance et devient magistral à partir de l’acte III,
jusqu’à un accompagnement grandiose de la mort de Werther, pendant laquelle
Sophie Koch avoue incarner tellement son rôle qu’elle ne peut s’empêcher de
pleurer aux dernières notes. Le public non plus. Il y a fort à parier que
Kaufman restera l’un des Werther de référence, tout comme Natalie Dessay
apporte au personnage d’Amina une empreinte qui fera date, pour le plus
grand bonheur des spectateurs de Bastille. |
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