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Artistik Rezo, 17 Janvier 2010 |
Marie Torrès |
Massenet: Werther, Paris, 14. Januar 2010
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Werther - Opéra Bastille
Foto: Elisa Haberer |
Cette
nouvelle production mise en scène par le cinéaste Benoît Jacquot et dirigée
par Michel Plasson a été très applaudie à la première. Les interprètes
sont émouvants et les décors sobres et somptueux avec un jeu de lumières qui
transportent dans la campagne du midi.
Dès les premières notes, on devine le drame puis la musique se fait légère
et discrète. On aperçoit le jeune Werther superbe entrer par le grand
portail en pleine journée par un soleil radieux, tandis qu'Alberto, le futur
mari surgira furtivement la nuit par la petite porte de l'immense mur. Le
lieu semble déjà imprégné de cet amour naissant, un lieu familier, que le
jeune homme romantique découvre et aime déjà.
Bien que le livret "très bavard" paraisse par endroit niais, l'argument
retient toute notre attention, porté par une subtile musique de Massenet qui
accompagne magnifiquement le propos.
Cet opéra vise le sublime. Les deux jeunes héros s'interdisent mutuellement
de s'aimer et se conduisent de façon exemplaire pour respecter le serment
fait au chevet d'une mère mourante : Charlotte épousera Alberto. Ils
renoncent au bonheur terrestre : le devoir prime sur le coeur. C'est un doux
suicide que ce refus à la vie, violent et déterminé. Pourtant Anne-Catherine
Gillet, la jeune soeur de Charlotte, est délicieuse et pourrait consoler le
poète. Cette jeune fille virginale incarne la douceur, l'humilité et la joie
de vivre. La soprano chante divinement et émerveille : elle est gaie comme
un pinson, simple et aimante. Charlotte reste inaccessible, ce qui la rend
sans doute idéale dans l'esprit de Werther.
La magnifique interprétation sensible du couple idéal élève le livret un
peu mièvre. Dans ce lyrisme puissant, ni ridicule, ni sourires moqueurs,
mais des coeurs mis à nu, bouleversants et généreux. Le personnage de
Goethe, Werther, est soumis aux affections de son âme tendre et fière qui
l'acheminent au désespoir. Jonas Kaufmann interprète à la perfection ce
personnage ardent et exalté, manquant de force et de patience, mélancolique
et piqué par le mal du siècle. Le ténor a une présence extraordinaire et
chante merveilleusement. Sa métamorphose est saisissante : il aime à la
première seconde et tout son corps exprime ce bouleversement. Absorbés l'un
par l'autre, il apprivoise la jeune Charlotte (la superbe Sophie Koch),
toute maternelle.
Benoît Jacquot étend la scène à la salle. On les voit cheminer ensemble,
hésitants, attirés l'un par l'autre, dans les prémices de l'amour. Puis,
dans le deuxième tableau, dévoré par l'amour, avec délicatesse et violence,
le jeune homme déclare sa flamme. Werther est alors littéralement foudroyé
en apprenant le choix de Charlotte. Il s'écroule à terre. La mort ne peut
être qu'une délivrance.
Dans le troisième tableau, après six mois d'absence, le metteur en scène les
tient à distance l'un de l'autre : dans un intérieur très dépouillé, éclairé
par une immense fenêtre, avec pour seul décor la bibliothèque renfermant les
poèmes lus ensemble. L'espace vide est l'expression de ce manque qui emplit
le coeur de Charlotte en l 'absence de Werther. C'est une scène formidable
et déchirante. La mezzo-soprano rayonne et irradie. Ultime tableau, apogée
du sublime. Ils apparaissent tous deux lovés dans une petite maison au
milieu des bois, qui glisse vers nous. Saluons cette très belle image
scénographique. Lui, blessé mortellement mais serein, elle, éperdue.
Affaibli, il retrouve la paix et croit entendre les anges lui pardonner son
acte. Ce ne sont que les enfants qui reprennent le chant de Noël, entendu au
début de l'opéra.
Sublime union sous le regard des anges et de Dieu. L'amour les a enfin
réunis dans ces quelques instants éternels. |
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