Les Echos, 18/01/10
PHILIPPE VENTURINI
Massenet: Werther, Paris, 14. Januar 2010
Le Werther originel à l'Opéra de Paris
 
Ce fut le triomphe attendu : chanteurs ovationnés, chef applaudi. Le public de première de l'Opéra de Paris se crut obligé de huer, comme à son habitude, le metteur en scène, Benoît Jacquot. Peut-on pourtant imaginer un « Werther » plus digne et plus soigneusement concentré sur les personnages ? Il faut en effet surmonter bien des écueils pour réussir cet opéra de Massenet. Le livret baigne dans des pleurs mêlés d'eau bénite (l'amour coupable de Werther pour Charlotte, épouse d'Albert) et peut facilement se noyer dans le romantisme le plus mièvre. Benoît Jacquot a allégé la scène, limité les décors, au demeurant très chics, de Charles Edwards, et a remisé tout accessoire susceptible d'enfermer les amoureux dans un environnement petit-bourgeois.
Distribution de rêve

La focalisation sur les protagonistes procède comme un long travelling avant, commencé dans la cour ensoleillée du bailli et achevé dans la mansarde où Werther se suicide, une nuit de neige. Le spectacle ne révolutionne pas l'opéra mais il en donne une lecture très juste, élégamment rehaussée par les costumes d'époque de Christian Gasc.

Cette production, nouvelle à Paris mais déjà présentée à Londres en 2004, bénéficie d'une distribution de rêve. Coqueluche des amateurs d'art lyrique, le ténor allemand Jonas Kaufmann incarne le rôle-titre avec un naturel troublant. Son timbre de velours sombre, sa diction parfaite, la précision aérienne de ses gestes en font un Werther à la fois passionné et triste, jamais geignard. Il doit affronter l'Albert inflexible et fier de Ludovic Tézier, époux satisfait qui a tout deviné.

Tous deux se disputent le coeur d'une Charlotte tiraillée entre les élans de son coeur et les impératifs de son mariage, merveilleusement interprétée (ligne de chant, soin apporté au texte, maintien) par la mezzo-soprano française Sophie Koch. Lumière scintillante sous cet horizon de plus en plus bas, la Sophie (soeur de Charlotte) d'Anne-Catherine Gillet rayonne de charme et de malice.

A la tête d'un orchestre de l'Opéra national de Paris inégal (les cuivres), Michel Plasson, dirige d'un geste souple, attentif et subtilement nuancé cette oeuvre fragile dont il a signé un très bel enregistrement (EMI)
 

 






 
 
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