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ConcertClassic, 19/10/2010
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François Lesueur |
Schubert: Die schöne Müllerin, Paris, TCE, 14. Oktober
2010
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Jonas Kaufmann chante Die Schöne Müllerin - L’ensorceleur
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Pour des questions de crédibilité, Jonas Kaufmann ne
souhaitait pas aborder Die Schöne Müllerin au-delà de la quarantaine.
C'est donc chose faite, le ténor allemand ayant d'abord gravé le cycle
schubertien en public à Munich le 30 juillet 2009 (Decca), avant
d'entreprendre une grande tournée qui passait par Paris et le mènera à
Londres à la fin du mois. Devant une salle pleine à craquer, attentive
autant que réceptive, Jonas Kaufmann a raconté avec une rare intensité, mais
sans aucune posture, humblement et sincèrement, les tristes amours du jeune
meunier.
Par-delà la beauté intrinsèque du timbre, au métal riche et
profond, de la pâte vocale et des couleurs qui la parent, un art inné de la
description touche immédiatement. Dès les premières notes fougueuses et
limpides, nous sommes aux côtés de cet homme qui rêve de voyager et que tout
dans la nature comble. Suivant le cours d'un ruisselet, le voici transporté
par l'amour qu'il porte à une jeune meunière. Kaufmann n'a pas son pareil
pour dialoguer avec l'onde( "Ei, Bächlein, liebes Bächlein") et lui confier
les atermoiements de son coeur. Véritable miroir d’une âme, le ruisseau
exalté d'abord, va s'assombrir et refléter bientôt la déception du meunier,
éconduit par la belle. L'incrédule garçon qui déborde d'ardeur et crie
"Mein" (Mienne), se retrouve dévasté, l'indifférente créature lui préférant
un chasseur de passage ; l’interprète mouille alors son chant de larmes
jusqu'à l'étranglement, pour mieux exprimer les noirs pressentiments qui
envahissent tout à coup son esprit ("Grabt mir eine Grab im Wasen" ;
Creusez-moi une tombe dans le vallon).
Dépeignant la joie et la
souffrance avec d'infinies nuances vocales Kaufmann, qui dispose en la
personne d'Helmut Deutsch, d'un double musical parfait, tient son auditoire
en haleine, l'étreignant par la force évocatrice et hypnotique d’un chant
conduit tel un archet sur la corde. Sur un fil de voix, le ruisseau se
propose d'accueillir finalement le voyageur fatigué, qui n'a plus qu'à
s'allonger en attendant le repos – éternel ? - ; "Des Baches Wiegenlied".
Triomphe, suivi de quatre bis schubertiens dont une pétillante "Forelle"
et un turgescent "Musensohn" puis, comme un signe avant-coureur, par un
extrait du Winterreise, autre voyage pour lequel nous prenons déjà
notre ticket. |
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