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Operachroniques, 15.10.10
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Friedmund |
Schubert: Die schöne Müllerin, Paris, TCE, 14. Oktober
2010
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Schubert : Die Schöne Müllerin + Der Jüngling an der
Quelle, Die Forelle, Der Lindenbaum, Der Musensohn
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Le disque est paru il y a tout juste un an - à quelques jours près. Je
l’avais alors écouté et réécouté, comme subjugué. Le manque de temps et les
emballements de la vie ne m’avaient alors pas permis de décrire en ces pages
mon émerveillement. Ou peut-être était-ce l’impossibilité de saisir en
quelques lignes les subtilités de cette interprétation hors normes, comme si
l’éblouissement face à tant de beautés m’avait en sus rendu muet. Chacune
des comparaisons opérées avec le fleuron de ma discothèque m’avait alors
semblé rendre vaines les délicatesses trop bien maniérées d’un Fritz
Wunderlich ou la jeunesse un peu superficielle d’un Francesco Araiza.
Interprétées par Jonas Kaufmann, ces pages si familières se paraient tout à
coup de raffinements inouïs, d’une mobilité constante de l’expression et des
émotions. Tout d’un coup la jeunesse n’excluait plus la gravité, la douceur
du sentiment se renforçait de l’intensité du désir, l’ardeur se conjuguait
avec la densité mélancolique. Virile, sensible, animée, brûlante et
sophistiquée à la fois, cette lecture ne m’a depuis plus lâché. Et chaque
fois que mon esprit convoque malgré lui cette musique, c’est la voix de
Jonas Kaufmann qui résonne en moi, indélébile.
La question clé de
ce concert, reporté et tant attendu, résidait dans une interrogation
simple : les conditions d’un concert sauraient-elle reproduire les
émerveillements du disque ? La difficulté rencontrée ce jeudi soir à
recouvrer mes esprits à l’issue du concert, à remobiliser mes mains pour
simplement commencer à applaudir, est sans appel. De l’ardeur juvénile et
énergique de Das Wandern aux murmures d’un Wiegenlied conclusif d’une
insoutenable tension, le voyage auquel Jonas Kaufmann m’a invité et de ceux
que l’on n’oublie guère. Même sur le vif, les phrasés du ténor bavarois
restent d’une sophistication insensée, osant toutes les dynamiques, toutes
les couleurs, y compris les plus périlleuses pour lui, sans jamais relâcher
quoi que ce soit de la tension et de l’émotion qu’il imprime à ces pages.
Que dire de cet Ungeduld dont l’intensité va crescendo ? De ces Müllers
Blumen d’une intériorité sidérante et phrasée avec un art vocal qui laisse
pantois ? Ou encore ce Mein! scandé et projeté avec une énergie
incandescente et une folle vigueur rythmique ? Des caresses délicates et
intenses à la fois de Mit dem grünen Lautenbande ? De la menace inquiétante,
terrible et sans concession de Der Jäger ? Tout serait à détailler. Ou alors
peut-être convient-il de cesser là l’exégèse et d’admettre que cette soirée
est à porter au compte de celles miraculeuses si rares dans la vie d’un
mélomane. Oui, soirée miraculeuse. A l’instar de celle déjà fascinante
offerte à Garnier il y a deux ans autour de Liszt, Britten et Strauss. Et un
artiste décidément irremplaçable, de ceux qui affichent une personnalité et
un art jamais auparavant rencontrés ni entendus, inouïs.
Quatre
bis à l’issue du cycle viennent rajouter au bonheur sans ombre et si
lumineux de la soirée : Der Jüngling an der Quelle, suprêmement phrasé à la
manière d’un orfèvre, Die Forelle, tout en relief verbal, et l’élan superbe,
mais non sans trace d’une fatigue vocale bien compréhensible du Musensohn
conclusif. Et l’émerveillement surtout d’un Lindenbaum posé et ample - épuré
dans sa ligne mais riche d’émotion – qui fait d’ores et déjà espérer un
Winterreise que l’on devine majeur et espère prochain. Deux mots avant de
conclure sur Helmut Deutsch, dont la discrétion est avant tout celle d’un
partenaire attentif et au soutien sans faille. |
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