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Crescendo Magazine.be
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Erna Metdepenninghen |
Cilea: Adriana Lecouvreur, le 4 décembre 2010
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Adriana Lecouvreur
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Pour la première fois depuis 1906, le Royal Opera a mis Adriana Lecouvreur
de Francesco Cilea à l’affiche. Le livret de cet opéra, créé en 1902 au
Teatro Lirico de Milan, est basé sur une pièce de théâtre de Eugène Scribe
et Ernest Legouvé qui traite un épisode de la vie et la mort d’Adrienne
Lecouvreur. L'actrice française (1692-1730) était membre de la Comédie
Française et célèbre pour sa déclamation extraordinaire et très naturelle
des vers des grands auteurs comme Corneille et Racine. Elle était une grande
amie de Voltaire et fut la maîtresse de Maurice de Saxe, le prétendant au
trône de Courlande. Une de ses rivales auprès de Maurice de Saxe était la
Duchesse de Bouillon qu’on a soupçonnée plus tard d’avoir fait empoisonner
Adrienne.
Adrienne (Adriana), Maurice (Maurizio) et, ici, la
Princesse de Bouillon sont aussi les protagonistes de l’opéra qui débute
dans les coulisses de la Comédie Française, nous montre les confrontations
d’Adriana et de sa rivale et se termine par la mort d’Adriana dans les bras
de Maurizio, empoisonnée par des violettes que la Princesse lui a fait
envoyer. Adriana est un rôle en or pour une soprano qui est aussi une bonne
actrice (elle doit réciter un monologue de Phèdre de Racine) et a incité
plus d’une diva à demander qu’on mette Adriana Lecouvreur à l’affiche.
Pensons à Magda Olivero, Renata Tebaldi, Margaret Price, Mirella Freni ou
Daniela Dessi. Au Royal Opera, c’était Angela Gheorghiu qui s’attaquait à
Adriana pour la première fois sur scène après avoir interprété le rôle dans
une version de concert au Deutsche Oper de Berlin. Elle alternait avec la
soprano espagnole Angeles Blancas Gulin.
Je ne peux pas dire qu’on
peut compter Gheorghiu dès à présent parmi les grandes interprètes du rôle.
Vocalement, il lui fallut du temps pour chauffer la voix qui passait à peine
la rampe dans ses premières scènes et son Io son l’umile ancella était très
"umile" (humble). Plus tard, sa voix se fit plus ample et s'est bien tirée
bien d’affaire dans la récitation de Phèdre. Mais elle laisse l’impression
d'avancer à tâtons, de chercher encore sa voie (vocalement) et,
scéniquement, elle n’a jamais vraiment pu donner allure et vraie force
dramatique au personnage d’Adriana. Trop soubrette coquette. C'est
dommage car elle était très bien entourée, en premier lieu par Jonas
Kaufmann, un Maurizio de rêve, beau garçon et acteur engagé chantant de sa
voix riche au timbre de bronze à laquelle il manque parfois un peu de soleil
italien. Mais il la conduit avec style, musicalité et beaucoup de nuances,
des éclats héroïques aussi bien que des pianissimi de rêve. Olga
Borodina prêtait sa voix somptueuse à la Princesse de Bouillon, magnifique
dans son air Acerba voluttà, mais elle était scéniquement moins excitante.
Alessandro Corbelli campait un touchant Michonnet, fidèle admirateur
d’Adriana. Maurizio Muraro (le Prince de Bouillon), Bonaventura Bottone
(l’Abbé de Chazeuil) furent convaincants, aurant que les rôles secondaires.
Mark Elder conduisait l’orchestre du Royal Opera avec enthousiasme dans une
exécution pleine d’élan et de grandes envolées lyriques.
La mise en
scène était confiée à David McVicar qui opta pour un cadre historique, dans
de beaux costumes d’époque (Brigitte Reiffenstuel), mais choisit la formule
de théâtre dans le théâtre. Dans les différents décors (Charles Edwards)
s'incérait toujours une scène de théâtre. Bien sûr celle de la Comédie
Française au premier acte et celle dans le Palais des Princes de Bouillon
mais on en retrouve aussi dans la villa au bord de la Seine de Mademoiselle
Duclos (2e acte) et même au fond derrière l’appartement d’Adrienne. A sa
mort, ses collègues s’avancent sur la scène et lui rendent hommage. Un beau
moment. Pour le reste, l’idée de la combinaison du théâtre et de la vie est
peut-être une peu gratuite et pas toujours très réussie (trop de
déménagement de pièces de décor au premier acte). De manière générale,
McVicar a réalisé une production cohérente et vivante, soignée dans les
détails mais pas vraiment excitante. C’est une co-production avec le Liceu
de Barcelone, le Staatsoper de Vienne, l’Opéra National de Paris et le San
Francisco Opera, promesse de nombreuses représentations au cours des
prochaines saisons.
Londres, Royal Opera House Covent Garden, le 4 décembre 2010
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