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Altamusica
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Monique BARICHELLA |
Cilea: Adriana Lecouvreur, 7 décembre 2010
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Un couple charismatique
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Événement incontournable de la saison lyrique européenne, Adriana Lecouvreur
n’a pas déçu l’attente générale. Non seulement le glamoureux duo
Angela Gheorghiu-Jonas Kaufmann a tenu toutes ses promesses, mais la superbe
production classique de David McVicar et l’élégante direction musicale de
Mark Elder ont permis à ce pilier du vérisme de triompher.
Casting de rêve justifiant la somptueuse – et onéreuse – production
d’Adriana Lecouvreur proposée par le Covent Garden, qui n’avait plus donné
l’ouvrage de Cilea depuis 1906, dans le spectacle de sa création in loco
(1904), en présence du compositeur. De Magda Olivero, unanimement considérée
comme l’Adriana de référence, à Mirella Freni, les plus grandes divas,
Caballé, Tebaldi, Scotto, Sutherland, Kabaivanska, ont tenu à interpréter
l’héroïne de Scribe et Lebouvé incarnée au théâtre par Rachel, Sarah
Bernhardt et Eleonora Duse.
Mais seule Angela Gheorghiu a convaincu
la première scène lyrique britannique de monter fastueusement l’ouvrage à
son intention en coproduction avec le Liceu de Barcelone, le Staatsoper de
Vienne, l’Opéra de San Francisco et l’Opéra de Paris qui, espérons-le,
bénéficiera d’une distribution aussi brillante que celle proposée par Covent
Garden.
Aux côtés de la soprano roumaine trouvant ici un rôle
idéalement adapté à sa personnalité et à ses moyens, Jonas Kaufmann, qui
passe allègrement de Werther à Lohengrin et de Florestan à Cavaradossi avec
un idiomatisme confondant, est un Comte de Saxe d’une séduction vocale et
physique superlative ; mieux que crédible, le couple est d’un irrésistible
charisme.
Certes, on a connu des Adriana plus vulnérables,
émouvantes et passionnées, délivrant un chant plus ample et plus percutant,
mais le timbre irisé aux couleurs si particulières de Gheorghiu qui rend sa
voix immédiatement reconnaissable à une époque où il est quasiment
impossible de distinguer une soprano d’une autre, son art de la mezza voce
dans son air d’entrée, comme dans le duo final, l’impact du parlando dans le
monologue de Phèdre délivré avec une superbe autorité, méritent d’être
salués.
Quant à Kaufmann, qui s’impose comme le meilleur
Maurizio depuis Domingo, on est médusé par le raffinement de son chant, par
ses incroyables pianissimi contrastant avec des aigus insolents. Son
portrait très ambigu de Maurice de Saxe rend perceptible le double jeu
politique et amoureux d’un personnage pas très net.
Succédant à Michaela Schuster qui avait assuré les quatre premières
représentations avant de chanter Vénus dans un nouveau Tannhäuser dirigé par
Semyon Bychkov, Olga Borodina est une somptueuse Princesse de Bouillon, à la
voix glorieuse. De son côté, malgré quelques signes de fatigue, Alessandro
Corbelli est un Michonnet d’une justesse et d’une sensibilité parfaites, et
les comprimarii sont tous irréprochables.
Enfin, on redécouvre la
partition grâce à la direction raffinée, délicate et d’une rare subtilité
pour cet ouvrage, de Mark Elder. Dans un complexe et grandiose décor
transformable de Charles Edwards évoquant à la fois ou tour à tour les
coulisses, la scène et la salle d’une Comédie Française inspirée par l’Opéra
des Margraves de Bayreuth, David McVicar signe une mise en scène d’une
facture très classique mais toujours personnelle où le théâtre est
omniprésent dans l’action, comme dans les rapports fouillés des personnages.
Un très beau travail, intelligent et brillant sur les jeux du théâtre
dans les théâtres avec, à la fin, la troupe de Molière rendant hommage à la
tragédienne, qui vient d’expirer. Mention toute spéciale aux splendides
costumes de Brigitte Reiffenstuel, dont le goût exquis est indissociable
d’une grande soirée d’opéra, par bonheur captée pour une retransmission
télévisée. Un DVD devrait suivre.
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