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Concertonet |
Sébastien Gauthier |
Messa da Requiem de Verdi sous la direction de Daniel
Barenboïm à la salle Pleyel, Paris.
Salle Pleyel, Paris
Le 15/11/2009 |
Un « cent fautes »
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L’affiche faisait rêver : le public ne s’y est
pas trompé. Honoré par la présence de plusieurs personnalités, parmi
lesquelles Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la
communication, Jacques Attali ou Stéphane Lissner, le patron de la Scala,
cet unique concert parisien (le même programme devant être donné à Milan les
18 et 20 novembre), joué à guichets fermés, réunissait en effet un des chefs
d’orchestre les plus célèbres de la planète, une phalange dont les mérites
ne sont plus à souligner et un quatuor de solistes prestigieux dans un
chef-d’œuvre qu’il est inutile de présenter, la Messa da Requiem de Giuseppe
Verdi (1813-1901). Pourtant, en dépit de l’attente et de la fébrilité que
pouvait susciter une telle représentation, la soirée se conclut par une
franche déception.
Daniel Barenboim fait partie de ces chefs (la remarque valant d’ailleurs
également lors de ses prestations en qualité de soliste) qui, selon les
soirs, peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes ou, au contraire, causer un
véritable naufrage. En l’espèce, on se situe plutôt dans un « entre deux ».
Sa gestique parfois grandiloquente n’aide certes pas les musiciens qui
commettent ainsi de nombreux décalages avec les solistes (ainsi, dès l’«
Introït », dans le Requiem aeternam) mais, de toute façon, l’Orchestre de la
Scala (qui a, par le passé, enregistré cette œuvre sous les plus grandes
baguettes) ne se montre pas non plus sous son meilleur jour. Ainsi, la
plénitude des cordes et la justesse des cuivres sont handicapées par des
bois sans charme et par quelques solos de violon au timbre plutôt aigre (à
la fin de l’Offertoire, dans le « Quam olim Abrahae »). Barenboim, qui
connaît parfaitement cette œuvre, choisit d’emblée une conception théâtrale
où la piété et la retenue ne sont pas de mise : certains phrasés sont
regrettables (de soudaines accélérations succèdent ainsi à des moments où
l’orchestre peine à avancer) et font ainsi perdre à l’œuvre une partie de
son aura. Si l’on peut également souligner certains forte comme étant
excessifs, on ne peut, de manière générale, que regretter le manque de
finition et, par conséquent, une direction qui laisse un goût amer lorsque
l’on songe à la qualité potentielle des forces en présence.
Les solistes s’avèrent également inégaux. A tout seigneur tout honneur,
Barbara Frittoli, qui a chanté ce Requiem à de multiples reprises, notamment
sous la direction de Claudio Abbado et sous celle de Riccardo Muti, donne,
ce soir encore, une très belle interprétation, jouant souvent le rôle de
repère salvateur tant pour les trois autres solistes que pour l’orchestre.
Si un de ses « requiem » s’avère quelque peu étriqué (au cours du Libera
me), elle n’en demeure pas moins impressionnante par son engagement et par
sa technique vocale. Plus originale apparaît la prestation de la
mezzo-soprano Sonia Ganassi : sans nul doute en accord avec la conception
choisie par Daniel Barenboim, elle opte pour un registre franchement
mélodramatique et ce, dès sa première intervention. Sa voix posée fait
merveille dans le « Liber scriptus » (au sein du Dies irae) mais ses accents
théâtraux donnent, par exemple, au Lacrymosa une tonalité qui tranche avec
l’image que l’on est en droit de se faire habituellement d’un Requiem. Si
les voix féminines s’avèrent néanmoins globalement de très bonne tenue, on
n’en dira pas autant des solistes masculins. Le jeune Jonas Kaufmann
tient sa partie avec beaucoup de fébrilité au point de se perdre (Barenboim
devant d’ailleurs venir à sa rescousse en tournant les pages de sa partition
tout en continuant à diriger) et de rater une de ses entrées. Surtout, dans
le très attendu Ingemisco, il ne parvient en aucune façon à transmettre la
moindre émotion à l’auditeur. Certes, on ne peut que lui savoir gré de ne
pas adopter un ton larmoyant comme cela peut parfois être le cas avec
d’autres chanteurs mais la ligne vocale demeure lisse et banale. Nul doute
qu’avec le temps, il saura gagner l’assurance qui lui faisait défaut ce soir
mais sa performance ne restera pas gravée dans nos esprits. Enfin, René
Pape, et non Kwangchul Youn comme annoncé dans le programme, déçoit
franchement. Outre certains décalages étonnants avec l’orchestre, sa voix
manque de puissance et d’intensité, notamment dans le superbe Confutatis.
Pâle figure parmi le quatuor de solistes, il ne convainc à aucun moment.
Les chœurs de la Scala de Milan sont, au cours de cette soirée, les seuls à
véritablement emporter l’adhésion de tous les suffrages. Magnifiquement
préparés par Bruno Casoni, ils parviennent avec une facilité déconcertante à
alterner la fougue, l’inquiétude, l’apaisement et la désolation. Au final,
on ne s’étonne donc pas d’entendre le public les ovationner, de même qu’il
salue avec chaleur les solistes et, plus encore, le chef d’orchestre. Pour
ce dernier, peut-être a-t-il néanmoins davantage voulu, ce soir, rendre
hommage à l’humaniste qu’au musicien. |
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