Altamusica
Gérard Mannoni
Messa da Requiem de Verdi sous la direction de Daniel Barenboïm à la salle Pleyel, Paris.
Salle Pleyel, Paris
Le 15/11/2009
Magistral Barenboïm
 
C’était l’un des concerts vedette de l’automne, affichant complet depuis bien longtemps. Avec les forces musicales de la Scala de Milan et un quatuor de solistes réputés, Daniel Barenboïm a déchaîné les forces musicales du Requiem de Verdi et du même coup l’enthousiasme du public de la salle Pleyel. Une interprétation magistrale.
Les interprétations marquantes du Requiem de Verdi ont toujours été signées des plus grands chefs, en majorité italiens. Toscanini, De Sabata, Serafin, Giulini, Abbado, mais aussi Karajan qui y atteignit des sommets. Les plus grandes voix du XXe siècle ont figuré dans cette multitude de concerts et d’enregistrements, de Leontyne Price à Mirella Freni, de Joan Sutherland à Elisabeth Schwarzkopf, de Fedora Barbieri à Christa Ludwig, de Nicolaï Gedda à Luciano Pavarotti, de Nicolaï Ghiaurov à Martti Talvela. Celles du XXIe siècle ont pris le relais. Les comparaisons et les références ne manquent donc pas.

La réussite de Daniel Barenboïm est d’autant plus éclatante, car il a su, au cours de ce concert, entraîner les forces musicales de la Scala de Milan sur des chemins difficiles à suivre, à savoir ceux d’un monde où se mêlent une puissance expressive démentielle et une intériorité bouleversante, l’éclat de couleurs apocalyptiques assez terrifiantes à une méditation d’une sensualité surprenante.

Présent sur tous ces terrains avec une égale efficacité, allant chercher les accents inattendus qui s’affirment soudain évidents même si quasiment personne ne les a mis en lumière avant lui, sachant au besoin calmer l’ardeur magnifique des somptueux chœurs de la Scala et adoucir ce qu’il pourrait y avoir parfois de trop agressif dans les sonorités de l’orchestre, il plonge au centre de cet univers complexe, multiple, contradictoire, où le plus profane côtoie le plus sacré.

Rarement, sauf peut-être en un soir miraculeux, jadis, au Théâtre des Champs-Élysées avec Karajan, on aura été aussi conscient des mille facettes de l’écriture orchestrale et vocale de Verdi, avec ses subtilités, ses excès, son imagination et son infatigable générosité d’inspiration. De l’éclat, de la puissance, de l’intériorité, mais surtout une musicalité implacable, absolue, permanente. Impressionnant.

Le quatuor de solistes fut-il à la hauteur de cette direction hors norme ? En partie seulement. Côté féminin, Barbara Frittoli a sans conteste une fort jolie voix aux aigus qui peuvent aussi bien planer que s’imposer de manière plus tranchante, mais qui ne sont pas toujours justes – « ce n’est pas faux, mais ce n’est pas juste », comme disait l’irremplaçable Irène Aïtoff – et qui peuvent être aussi bien stables que dangereusement le contraire.

Le médium n’a pas beaucoup de couleur et surtout, son Libera me final manque totalement d’impact, de feu, d’angoisse, de tout ce qui fait l’intérêt de cette page et à laquelle, avec des moyens a priori bien moins adéquats, une Schwarzkopf nous faisait brûler de tous les feux de l’Enfer !

Sonia Ganassi se comporte en beaucoup plus fine musicienne, avec un sens des nuances et des couleurs prononcé, un haut médium d’excellente qualité à tous égards, un grave un peu plat malheureusement, mais de très beaux phrasés, de belles inflexions.

Chez les messieurs, Jonas Kaufmann délivre ce qu’on attendait de lui, c’est-à-dire un chant d’une maîtrise stupéfiante, multipliant les nuances et les techniques d’émission, voix presque de tête reprenant du timbre comme miraculeusement, puissance qui lui est aujourd’hui propre avec l‘alliance d’un timbre qui fut italien mais devient de plus en plus germanique sans perdre pour autant son exceptionnel métal. Du grand beau chant de ténor.

René Pape remplaçait Kwangchul Youn souffrant. Il ne fait pas oublier les Ghiaurov ou les Siepi, mais qui le pourrait aujourd’hui ? Musicien, expérimenté au plus haut degré, il s’impose sans peine, même si le timbre n’a pas la noirceur ni la profondeur qui conviennent le mieux à cette partie.

Très vibrant succès pour tous, salle Pleyel plus que comble, malgré ces quelques restrictions, on a vécu un exceptionnel Requiem, grâce à l’incroyable direction de Barenboïm.






 
 
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