Opéra, 05/2009
Michel Parouty
 
L'ART DU TENOR EST TEL QU'ON SUCCOMBE RAPIDEMENT
PARIS
JONAS KAUFMANN Michael Güttler (dm)
Théâtre des Champs-Élysées, 17 mars
Smoking très classe, mais barbe «effet trois jours» et boucles en bataille: Jonas Kaufmann, sourire craquant, est hyper sexy et avant même qu’il n’ouvre la bouche, une partie de l’auditoire est conquise. Italien (Tosca, La Bohème), allemand (Martha, Lohengrin), français (Werther, Carmen), le programme aligne les tubes, garantissant une salle pleine, mais constituant un risque pour l’interprète, forcément soumis aux plus rudes comparaisons.

L’étrangeté du timbre, très sombre, déconcerte un bref instant : on est habitué à des Rodolfo, des Cavaradossi plus lumineux et ensoleillés, de couleur sonore plus italienne. Mais l’art du ténor est tel qu’on succombe rapidement. Lyonel enflammé, Werther murmuré comme dans un songe: les deux sont magnifiques. Implacablement contrôlé, le chant affirme son intelligence et son élégance. Irrésistible et poignant, le récit du Graal d’un Lohengrin jeune et poète ; et, tout aussi captivant, «La fleur que tu m’avais jetée », chanté à mi-voix, avec ce si bémol piano -que Bizet souhaitait — Don José, à ce moment, est bien une «chose» qui ne s’appartient plus. Les bis italiens (L’Arlesiana, Rigoletto et sa «Donna è mobile», le charmant Non ti scordar di me) n’apportent rien à la gloire du ténor; mais le Rêve de Des Grieux (Manon) est une pure merveille, pastel admirablement dessiné par un véritable artiste au sommet de ses moyens.

Bon accompagnement de l’Orchestre National de Belgique, dirigé par le jeune chef allemand Michael Güttler. L’ouverture de La forza del destino et les extraits symphoniques de Carmen eussent toutefois merité un peu moins d’ostentation et de superficialité dans l’exubérance.
Michel Parouty






 
 
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