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ClassiqueInfo.com, 20/07/2009 |
Karine Boulanger |
Wagner, Lohengrin, Bayerische Staatsoper, München,
12/07/2009
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Munchner Opernfestspiele 2009 : Lohengrin
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La première mouvementée de la nouvelle
production de Lohengrin, le 5 juillet 2009, laissait craindre le pire, et
les représentations ultérieures n’ont pas calmé la colère d’une partie du
public, qui n’a pas hésiter à marquer son désaccord en cours d’exécution
(cris peu après le prélude de l’acte II) et à huer copieusement la mise en
scène. Musicalement, en revanche, ce Lohengrin s’avère exceptionnel,
confirmant, s’il en était besoin, l’excellence de l’Opéra de Munich en
matière d’opéra wagnérien.
Le plateau vocal réuni pour l’occasion était de tout premier ordre, sans
faiblesses, composé d’artistes appartenant à la troupe de l’Opéra de Munich,
ou bien présents régulièrement sur cette scène. Jonas Kaufmann, dont on
attendait beaucoup dans cette prise de rôle après un récital allemand
passionnant publié récemment chez Decca et plusieurs concerts où le ténor
avait démontré l’originalité de sa démarche et sa musicalité dans le récit
du Graal, n’a pas déçu, et a même dépassé les espérances du public. Son
Lohengrin est extraordinaire, caractérisé par un phrasé souverain, une
attention perpétuelle au texte, et une variété de nuances étonnante. Le
chanteur, au timbre assez sombre, est capable de la vaillance requise dans
les moments les plus exposés (mises en garde envers Elsa « Nie sollst du
mich befragen, noch Wissens Sorge tragen », acte I, final de l’acte II, acte
III), mais aussi d’une grande délicatesse dans les scènes avec Elsa (aveu de
l’acte I « Elsa, ich liebe dich », duo de l’acte III). Les aigus sont d’une
rare insolence et la conduite du souffle remarquable (« Mein lieber Schwan
», acte III). Le récit du Graal apparaît comme le véritable sommet de la
représentation, débuté piano, rêveusement, avec un crescendo parfaitement
maîtrisé vers « Es heißt der Gral, und selig reinster Glaube erteilt durch
ihn sich seiner Ritterschaft », Jonas Kaufmann osant ensuite le pianissimo
pour le retour du cygne, idéalement soutenu par l’orchestre dirigé par Kent
Nagano.
Le couple formé par le ténor avec l’Elsa d’Anja Harteros était très bien
assorti, les deux interprètes ayant en commun des voix assez corsées, un
certain mordant, et un tempérament bien affirmé. Très populaire à Munich,
Anja Harteros est une chanteuse exceptionnelle à la voix solide, dont le
timbre très particulier, non dénué d’un certain métal et de stridences dans
l’aigu, est immédiatement reconnaissable. Si la voix manque parfois de
rondeur, elle est en revanche d’une grande homogénéité sur toute la
tessiture et très puissante, passant l’orchestre sans effort apparent. Le
souffle est parfois d’une longueur sans pareil (scène du balcon, « Euch
lüften, die mein Klagen so traurig oft erfüllt », acte II). Harteros campe
une Elsa à cent lieues des oies blanches plus communes, esquissant le
portrait d’une jeune fille volontaire, jamais impressionnée par Telramund ou
Ortrud, ne reculant devant personne pour obtenir celui qu’elle désire. Le
phrasé est intelligent, très nuancé et la chanteuse se révèle poignante dans
le duo de l’acte III.
Wolfgang Koch est un Telramund sûr de lui et de son bon droit, bien chantant
mais ayant tendance à abuser de détimbrages à des fins expressives. Michaela
Schuster veille à ne pas faire du rôle d’Ortrud celui d’une mégère, mais
utilise ses moyens (notamment un beau médium assez chaud) et le texte
lui-même pour dessiner le portrait d’une femme séductrice, insinuante et
vénéneuse, dans la lignée de l’interprétation d’une Dunja Vejzovic. Les
aigus de la mezzo sont cependant trop fragiles pour les imprécations où la
voix bouge beaucoup. Christof Fischesser campe un roi noble n’appelant que
des éloges, tout comme le Héraut de Evgueny Nikitin. Les chœurs sont dans
l’ensemble d’un haut niveau, malgré de petites défaillances (décalages à
l’acte I et un curieux manque d’homogénéité à l’acte II).
La direction de Kent Nagano, après un premier acte imparfait (début du
prélude un peu « flottant », décalages à l’arrivée de Lohengrin et final de
l’acte I, chanteurs couverts par l’orchestre) réussit un deuxième et un
troisième actes exemplaires de tension, avec un dosage idéal des différents
pupitres, aux cordes et bois insinuants (duo Telramund et Ortrud, acte II),
secondé pour les parties les plus exposées par des cuivres irréprochables.
La mise en scène de Richard Jones n’a pas convaincu, partant du postulat, si
l’on en croit la lecture des textes du programme, de l’architecture perçue
comme une métaphore de la société. Elsa veut donc à tout prix bâtir une
maison, symbolisant le retour de la paix et le nouveau droit que s’apprête à
instaurer le roi Henri. Cette idée très discutable ne doit cependant pas
occulter une direction d’acteurs fine et souvent intéressante, en accord
avec la musique, approfondissant les personnages et profitant des qualités
scéniques des chanteurs. On soulignera donc de belles réussites comme cette
Elsa sûre d’elle toisant Telramund et Ortrud à l’acte I, faisant reculer le
roi même (mesures précédant « Einsam in trüben Tagen »), puis faiblissant
progressivement, baissant les yeux, marchant plus lentement au fur et à
mesure que le doute s’installe en elle. Ortrud est représentée comme une
séductrice, un serpent fascinant Telramund puis Elsa. Le personnage
s’effondre pourtant brutalement, non devant l’échec de ses différentes
entreprises, mais brisé par la mort de Telramund. De même, formidablement
secondé par le chant de Kaufmann, on reste marqué par ce Lohengrin reculant
devant Elsa, déchiré par ses questions, vacillant, se soutenant à peine lors
du récit du Graal, puis ramenant l’enfant disparu dans ses bras.
Si l’aspect visuel du spectacle a particulièrement indisposé le public,
celui-ci ne s’est en revanche pas mépris sur la qualité musicale de
l’ensemble, réservant aux chanteurs principaux une véritable standing
ovation amplement méritée. |
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