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Concertonet.com, 08/12/09 |
Claudio Poloni |
Bizét, Carmen, Mailand, 7. Dezember 2009
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La Carmen de toutes les audaces
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En ce dimanche après-midi 20 décembre, la Scala est loin d’être remplie,
nombre de Milanais étant déjà partis en vacances. Et pourtant, le service de
presse de l’illustre maison n’a rien de mieux à offrir au soussigné qu’une
place aveugle, dans un fond de loge du quatrième balcon. De là haut,
impossible bien entendu de voir quoi que ce soit du spectacle. Drôle de
façon, tout de même, d’accueillir les représentants des médias. Peut-être
voulait-on éviter que cette Carmen – déjà passablement éreintée par la
critique – ne soit vilipendée une nouvelle fois. Le doute est permis. Quoi
qu’il en soit, comme les bonnes places libres ne manquaient pas, il a été
très simple de changer de fauteuil. Et, contrairement aux craintes des
responsables du théâtre, le compte rendu est globalement positif, le
spectacle n’étant pas du tout le ratage dénoncé par plusieurs confrères.
En Italie, l’ouverture de la saison de la Scala - traditionnellement le 7
décembre – est un événement artistique et mondain de tout premier plan. En
confier la responsabilité scénique à une novice du monde lyrique, quand bien
même vrai talent du théâtre européen, est un pari forcément risqué. Certes,
on peut estimer qu’Emma Dante signe en fin de compte une production
fourre-tout, avec un trop plein d’idées – pas toutes bonnes au demeurant –
qui ne fait qu’alourdir inutilement le propos et qui enlève sa cohérence au
spectacle. Néanmoins, il faut reconnaître la force prodigieuse et la
vitalité de cette production, sans même parler de son originalité, une
prouesse pour un opéra aussi souvent représenté. Débarrassée de ses aspects
folkloriques et colorés, l’Andalousie vue par Emma Dante est une société
sombre et violente, où la mort est omniprésente, une société d’hommes,
totalement figée sous la chape de l’Eglise. Laïque, éprise de liberté,
rebelle et jouant la carte de la séduction, Carmen est condamnée à échouer
dans sa quête, confrontée à beaucoup trop d’obstacles et d’interdits. Le
propos se traduit sur scène par une violence extrême – qui en a choqué plus
d’un – mais il est terriblement pertinent, d’autant qu’il est livré par une
femme, sicilienne de surcroît. Le pari est donc gagné.
Deuxième pari tout aussi risqué, mais lui aussi gagné: confier le rôle-titre
à une débutante de 25 ans, qui vient à peine de terminer ses études de chant
à l'Académie de la Scala. Anita Rachvelishvili – un nom à retenir désormais
–, qui avait au départ auditionné pour Frasquita, est une véritable
révélation en Carmen, bohémienne à la voix puissante, chaude et ronde, qui
plus est faisant preuve d’une belle assurance scénique, sans trace de la
gaucherie qui caractérise normalement tout débutant. On espère la retrouver
prochainement dans d’autres grands rôles, tant elle semble promise à une
belle carrière. S’il n’est lui pas une surprise. le Don José de Jonas
Kaufmann, au-delà des qualités vocales intrinsèques de l'interprète,
impressionne par les nuances dont le ténor pare son chant, culminant avec un
magnifique pianissimo à la fin de La fleur que tu m'avais jetée.
L'Escamillo d'Erwin Schrott a le physique du rôle, mais le personnage paraît
en retrait et le chant se révèle quelque peu sommaire, sans raffinement. La
déception vient aussi de la pâle Micaëla d’Adriana Damato, qu’on espère
retrouver plus à son aise ce printemps dans Simon Boccanegra, aux côtés de
Placido Domingo. Légère déception aussi dans la fosse, avec un Daniel
Barenboim offrant une lecture certes empreinte de brio, mais plutôt
superficielle, sans contours précis et couvrant souvent les chanteurs. |
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