|
|
|
|
|
Les Echos, 27/11/08
|
MICHEL PAROUTY |
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
|
Vivre libre
|
|
|
Depuis 1982, « Fidelio » n'avait plus reparu à
l'Opéra national de Paris. Gérard Mortier souhaitait fêter son
soixante-cinquième anniversaire avec cet ouvrage qu'il affectionne. Mais
cette nouvelle production reste bien en deçà des espérances mises en elle.
Inclassable, tenant de l'opéra-comique, du grand opéra voire de l'oratorio,
l'unique tentative lyrique de Ludwig van Beethoven délivre un message si
universel qu'elle se prête à toutes les transpositions - quelle époque n'a
pas connu ses tyrans, ses arrestations arbitraires, ses geôles où
croupissent souvent des innocents ? Johan Simons n'est pas le premier à
avoir situé l'intrigue au XXe siècle. Jan Versweyveld a conçu une prison
dont l'anonymat donne froid dans le dos ; un poste de garde à gauche, avec
écrans de contrôle, le départ d'un escalier, au centre qui descend au
sous-sol, et à droite la sortie et ses digicodes. Au deuxième acte,
plusieurs volées de marches conduisent au sous-sol. D'une inquiétante
neutralité, la mise en scène ne dit pas autre chose que ce que raconte le
texte - mais était-il nécessaire de mobiliser trois personnes pour réviser
livret et dialogues, ces derniers longs et ennuyeux, cassant le rythme du
spectacle ? Ceux qui attendaient un regard neuf en seront pour leurs frais
tant la convention règne ici.
Couleurs sombres
L'histoire des différentes versions de « Fidelio » (d'abord intitulé «
Léonore ») est un dédale dans lequel on risque de se perdre. Sylvain
Cambreling, qui est au pupitre, a fait des choix bien précis : l'ouverture
de « Léonore I » (mais en réalité la troisième sortie de la plume de
l'auteur), magnifiquement émouvante et qu'on ne joue quasiment jamais, un
changement d'ordre et un rajout venu de « Léonore » pour les pages qui
suivent, respectant l'ordre solo-duo-trio. Intéressante, l'idée prouve sa
validité. Moins concluante se révèle la direction : Cambreling cantonne
l'orchestre dans des couleurs sombres, adopte des tempos rapides - à tel
point que les choeurs éprouvent des difficultés dans un final violemment
asséné -, n'évite pas la sécheresse au détriment du lyrisme. Où est la joie
qui transporte les prisonniers libérés et leurs proches ?
Le couple Marzelline-Jaquino, Julia Kleiter et Ales Briscein, voix juvéniles
et fraîches, est charmant. Le toujours solide Franz-Josef Selig est un Rocco
débonnaire et généreux et Paul Gay un Don Fernando libérateur noble et
digne. Pourquoi avoir fait de Don Pizarro un hystérique, semblable à une
caricature de tortionnaire nazi sorti d'une série B ? Alan Held, baryton au
métal tranchant, réussit pourtant à s'imposer.
Angela Denoke, silhouette androgyne qui convient à son travestissement,
campe une Léonore/Fidelio ardente, et tout à son jeu en oublie de chanter
juste avec une candeur désarmante. Jonas Kaufmann incarne un Florestan
stupéfiant de vérité ; ce chant dense, intense, vibrant, ce timbre de bronze
si prenant, cette présence hallucinante, cette intelligence des personnages
ont fait de lui, à juste titre, l'un des meilleurs ténors du moment. Il
suffit qu'il apparaisse pour qu'il se passe enfin quelque chose dans une
soirée qu'on eût aimé plus excitante. Jon Vickers, le génial Florestan de
1982, a trouvé un digne successeur. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|