Diapason 9/2007
E.D.
Verdi : La Traviata, Paris, Palais Garnier, 06/16/2007 - et 19, 24, 27, 30 juin, 3, 6, 8, 12 juillet 2007 
On a retrouvé le cadavre de la Traviata
Une salle des fêtes sordide, quelque part du côté de Berlin dans les années 1970-1980. C’est dans ce décor unique que Christoph Marthaler a placé la nouvelle Traviata de l’Opéra de Paris, ou, plus précisément, ce qui en tient lieu. Car le spectacle auquel on assiste ce soir n’a qu’un rapport très lointain avec Verdi, Piave et Alexandre Dumas fils. Marthaler est l’homme d’un système depuis Katia Kabanova, en passant par Les Noces de Figaro ou Tristan, c’est toujours la même esthétique glauque, toujours les mêmes tics dramaturgiques qu’il décline, avec le souci constant de tout rabaisser au niveau d’une réalité triviale et dêprimante. De ce point de vue, mission accomplie, et de façon magistrale, c’est incontestable. Du coup, peu importe sans doute que le sacrifice de Violetta, transposé à l’époque de la libération sexuelle, n’ait plus aucun sens. Sur scène, chacun joue le jeu avec la loyauté de celui qui n’a pas le choix. Plus Blondchen ou Chérubin que Violetta, Christine Schàfer tente d’imposer un personnage de femme enfant qui ne fera qu’illusion. La valeur et le courage de l’artiste n’y peuvent rien Anina a usurpé la place de sa patronne, Pauline Carton se prend pour Greta Garbo. José Van Dam a bien tort de continuer à s’aventurer dans les barytons Verdi; si le bronze a gardé ses reflets, où sont passés le legato, la justesse, l’insolence du registre supérieur qui font les grands Germont père ? Jonas Kaufmann a davantage de chance en Alfredo, même si ses moyens le destinent désormais à des rôles plus dramatiques ligne de demi-dieu, musicalité exemplaire, timbre à la fois sombre et riche, présence superlative. Dans la fosse, en parfaite osmose avec Marthaler, Sylvain Cambreling opère selon l’art d’un taxidermiste. A chaque instant maître de ses intentions, il prend soin de disséquer le moindre membre de la partition, d’en exposer les nervures, d’en détacher les organes. Plus aucun sang ne coule dans ces veines, le teint est blafard, les chairs sont déjà raides. Ce n’est pas La Traviata qu’on entend, c’est son cadavre.






 
 
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