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ConcertoNet.com |
Claudio Poloni |
Monteverdi: L'incoronozione di Poppea, Zürich,
02/18/2005 - et les 20, 22, 23, 25, 27 février ainsi que les 1er, 5, 17* et
18 mars 2005
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L'incoronozione di Poppea
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Opéra de Zürich |
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Nikolaus Harnoncourt est le chef d’orchestre qui
peut se targuer de la plus longue expérience de Monteverdi. N’a-t-il pas
été, au début des années 70, l’initiateur - avec Jean-Pierre Ponnelle - d'un
cycle ici même à Zurich des trois opéras du compositeur, cycle qui a joué un
rôle déterminant dans l’entrée au répertoire de ces oeuvres? Trente ans plus
tard, le maestro remet l’ouvrage sur le métier: après Il Ritorno d’Ulisse in
Patria en 2002, il reprend aujourd’hui L’Incoronazione di Poppea, avec la
complicité de Jürgen Flimm, un tandem qui a déjà été à l'origine de
représentations à Salzbourg en 1993. Sur le plan musical, l'auditeur est
frappé par l'importance de l'effectif orchestral, qui dépasse nettement les
usages en la matière. Avec pour résultat un son plus dense, moins sec que ce
qu’on a l’habitude d’entendre dans ce type de répertoire, et personne ne
s’en plaindra. Pour le reste, si la direction d’Harnoncourt s’est affinée,
elle n’en continue pas moins de fasciner par sa dynamique et ses contrastes,
avec des tempi plutôt rapides. L’ensemble La Scintilla, composé de musiciens
de l'Opéra de Zurich jouant sur instruments anciens, peut parfois manquer de
précision, mais il offre une impressionnante palette de couleurs, démontrant
les progrès accomplis sous la baguette de chefs tels qu'Harnoncourt
justement, mais aussi Gardiner, Christie et Minkowski.
Comme pour prouver que l’intrigue est intemporelle, Jürgen Flimm a décidé de
la transposer à notre époque, dans un décor constitué par un appartement
ultra design sur deux étages et pivotant sur lui-même. Un critique anglais a
d’ailleurs malicieusement démontré la pertinence de ce choix en demandant à
ses lecteurs si cette fresque d’un souverain qui finit par couronner sa
maîtresse ne leur rappelait pas une autre histoire de notre époque... Blague
people à part, on ne peut manquer de constater que le plateau est rempli de
lits, de divans et de fauteuils sur lesquels sont assoupis bon nombre de
figurants. Et pourtant, le spectacle n’incite pas à la somnolence, bien au
contraire, tellement il est prenant. D’abord par sa très haute charge
érotique. Les duos entre Néron et Poppée se déroulent le plus souvent sur un
lit et plusieurs personnages évoluent en sous-vêtements (ce qui n'est pas -
encore? - une évidence pour les chanteurs d'opéra), avec pour point
culminant la scène entre l'empereur et Lucano, aux connotations très
explicitement homosexuelles. Au-delà de ce parti pris au demeurant fort
réussi, Flimm a su proposer une excellente direction d'acteurs, en
caractérisant habilement chaque personnage. Pour une fois, la transposition
fonctionne, ne suscitant pas de rejet de la part du public.
Après une grippe qui l’a contrainte à annuler les premières représentations,
Vesselina Kasarova a fait des débuts très attendus dans le rôle-titre.
Malheureusement, les attentes n’ont été comblées qu’à moitié. Si, sur le
plan vocal, la mezzo bulgare impressionne toujours par ses graves d’une
richesse incroyable, elle peine, physiquement parlant, à imposer son
personnage de séductrice prête à tout pour arriver à ses fins et paraît un
peu terne. D’autant que l’autre héroïne, l’Ottavia de Francesca
Provvisionato, brille quant à elle par son intensité scénique et l’émotion
qu’elle dégage dans le rôle de l’épouse bafouée. Seule italophone de la
distribution, sa diction est excellente, rendant superflus les surtitres.
Chez les messieurs, la palme revient à Laszlo Polgár, Sénèque à la gravité
noble, et à Jean-Paul Fouchécourt, qui réalise un numéro magnifique de
drôlerie en Arnalta. Un peu plus en retrait, mais néanmoins convaincant,
grâce notamment à son physique d’athlète, dans son rôle d’empereur
paranoïaque et tyrannique, Jonas Kaufmann séduit par son lyrisme, alors
que le contre-ténor argentin Franco Fagioli fait des débuts remarqués à
Zurich. On se réjouit d’ores et déjà de le retrouver bientôt face à Cecilia
Bartoli, dans Giulio Cesare. |
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