Pierre Breiner
Schubert : Die Schöne Müllerin, Strasbourg, 2003
Au pied levé
Dietrich Henschel étant souffrant, l’Opéra du Rhin a trouvé la rapide et bonne solution en engageant Jonas Kaufman accompagné par Helmut Deutsch dans la Belle Meunière de Schubert.

Le coffre est impressionnant, l’allure tout autant et ce diable d’homme sait qu’il plait aux dames et s’attire la sympathie des hommes. Il n’en fallait pas plus pour donner un cycle de la Schöne Müllerin crédible sur le plan physique et de surcroît parfaitement « joué » d’une façon très opératique , ce dont personne ne pouvait douter au vu du pedigree de ce jeune chanteur au chant vaillant, à l’organe puissant. S’il n’y avait un timbre légèrement métallique, on lui prédirait sans hésitation une très grande carrière. Jonas Kaufman aborde le cycle des lieders de la seul manière dont on puisse le valoriser pleinement, par l’expression des sentiments naïfs d’un apprenti meunier confronté aux réalités de ce monde. D’aucuns y ont vu la préfiguration de la lutte des classes : opposition meunier-chasseur, patron-employé. Tous ces ingrédients sont sans doute présents dans ces notes, toutes ces données apparaissent dans les poèmes, mais faut-il risquer à tous prix l’anachronisme ? Jonas Kaufman vit l’histoire au premier degrés, retrouve l’esprit de la Tonmalerei de Schubert, cette manière de souligner par la musique l’idée du texte dans une sublime redondance. Au piano, Helmut Deutsch fait des prodiges. L’ultime lied ( l’adieu aux moulins, à la femme aimée, à la vie) était donné dans une vision résolument intimiste où la proximité de la mort et du suicide donnaient le frisson. Jonas Kaufman est un nom à retenir.






 
 
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