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Diapason, mars 2014 |
Hélène Cao |
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Winterreise
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Après
une Belle Meunière d'anthologie (Diapason d'or, cf. n° 578), le second cycle
schubertien guettait le ténor barytonnant, excellent dans l'« introspection
taciturne » pour reprendre la formule d'Emmanuel Dupuy. Pourtant, dans la
nuance piano, on est surpris par une voix émaciée, aux aigus quelque peu
tendus. Recherche de distanciation, souci de contenir des moyens prodigieux,
de traduire la fatigue du Wanderer ? Il serait tentant de justifier ainsi
cette raucité. Si Kaufmann la préfère à la séduction immédiate (ce dont
témoignent d'autres enregistrements, moins rocailleux toutefois), il sait
aussi gorger le timbre de sève quand l'intensité augmente, notamment à la
fin des lieder (Gefrorne Tränen, Auf dem Flusse, Rast, Einsamkeit, etc.).
Mais à l'échelle du long cycle, l'insuffisance de paliers intermédiaires
entre les deux propositions et le systématisme des péroraisons cuivrées
menacent de neutraliser l'impact dramatique. Capté en studio (La Belle
Meunière était un live), le ténor cisèle chaque incise mélodique plus qu'il
n'unifie le climat général de chaque lied. Dès lors, les épisodes de
l'errance contiennent des effets similaires et manquent de singularité.
Consolons-nous : au sein de chaque vignette, quel luxe de nuances ! On est
empoigné par la spontanéité de l'expression (signe d'une longue maturation),
l'infinie souplesse d'une déclamation qui habite chaque mot, l'impeccable
conduite de la ligne et l'énergie intérieure qui entre en tension avec la
surface rugueuse. Ce voyageur frémissant, vivant, si humain, nul doute qu'il
survivra à l'épreuve émotionnelle.
Helmut Deutsch colore ce Voyage de
sonorités magnifiques et se montre plus scrupuleux face au texte que la
plupart de ses confrères (indications de tempo, d'articulation, de
dynamique). Rien, cependant, qui sorte de l'ordinaire. Le piano sert d'écrin
au chanteur, se garde de lui proposer d'autres chemins. Réticences minimes,
mais de la part d'interprètes de cette trempe, on est en droit d'attendre
l'inouï.
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