Werther
est un opéra bien servi par le DVD. Entre autres, il existe une
captation de concert au Théâtre du Châtelet, avec Thomas Hampson
(version pour baryton) et Susan Graham en Charlotte, et une autre faite
à la Staatsoper de Vienne avec Elina Garanca et Marcelo Álvarez [lire
notre critique du DVD]. Créée au Royal Opera House de Covent Garden
(Londres) en 2004, puis reprise et filmée en 2010 à l’Opéra national de
Paris [lire notre chronique du 14 janvier 2010], la présente production
apparaît désormais comme l’une des meilleures disponibles.
Au
milieu des années 1880, Massenet écrit sa partition sur un livret
s’inspirant de Goethe (Les Souffrances du Jeune Werther). Achevé,
l’ouvrage en quatre actes est créée à Vienne en février 1892 – le
directeur de l’Opéra Comique ayant trouvé le sujet triste et sans grand
intérêt pour la capitale. Le réalisateur Benoît Jacquot – qui a effectué
la mise en scène et la captation vidéo – et son équipe situent l’action
en cette fin de XIXe siècle, recourant à un cadre intimiste, à des
costumes sans fioritures ainsi qu’à un décor extrêmement sobre et
réaliste, qui montrent l’austérité de la société dans laquelle les
personnages évoluent (dans des tons jaune-beige et sous le bleu du
ciel). Il explique :
« Quand je fais un film, tout pour moi
procède des acteurs qui vont l’habiter. C’est selon le même principe que
j’ai disposé la mise en scène de ce Werther : gestes, places et
déplacements, élans et retenues, décors, costumes, lumières cherchent
d’abord à donner aux chanteurs une présence telle qu’on ne puisse que
vraiment croire à ce qu’ils expriment comme ils croient vraiment à ce
qu’ils chantent. D’ailleurs, ces admirables chanteurs sont aussi
d’excellents acteurs, les interprètes d’une musique qui demande, au-delà
de ses raffinements, cette vérité simple, dépouillée, pathétique. »
Effectivement, l’équipe de chanteurs est bouleversante. Jonas
Kaufmann, voix de ténor ronde et sombre, s’avère parfait en héros
romantique qui meurt d’amour. Il incarne le personnage d’un bout à
l’autre, et rend la scène du suicide insupportable. Mezzo chaleureux,
Sophie Koch se montre tout aussi parfaite dans le rôle de Charlotte,
tour à tour maternelle, sereine, puis tourmentée et prise au piège par
ses obligations. Ludovic Tézier fait preuve d’autorité vocale autant que
théâtrale en défendant Albert, son mari amical puis inquiétant, tandis
qu’Alain Vernhes incarne un bailli sympathique. Soprano brillant,
Anne-Catherine Gillet (Sophie) aborde son rôle tout en gaité, sans
mièvrerie. Les autres rôles sont bien tenus avec notamment des enfants
impliqués et vifs (Maitrise des Hauts-de-Seine, etc.).
À la tête
de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, en familier de cette
musique – il était en fosse avec l’Orchestre du Capitole de Toulouse
lors de la version de concert du Châtelet évoquée plus haut –, Michel
Plasson sait mettre en valeur les belles couleurs de la partition avec
une formation tout en souplesse et plénitude. |