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Crescendo Magazine.be |
Bénédicte Palaux Simonnet |
Un Werther de rêve
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Un
Werther de rêve: admirable de bout en bout, poignant sans simagrées; avec
une dignité, une vérité, une simplicité directe qui vous va droit au cœur.
Toutes qualités qui ressortent dans le passage de la scène au support DVD.
Ce n'est guère surprenant puisque le metteur en scène est également un
cinéaste subtil et puissant, familier des contradictions les plus obscures
de la psyché humaine.
Ce magnifique travail s'appuie sur des bases
solides et discrètes à la fois: scène presque dénudée, un piano ici,
quelques livres là, une simple porte ailleurs. Rien qui ne veuille attirer
l'œil. Benoît Jacquot va droit à l'essentiel: l'amour clamé de Werther;
caché de Charlotte. Décors presque illusions tout autant et projections dans
le ciel à l'écoute des passions. La caméra accompagne l'entrée en scène des
protagonistes depuis les coulisses renforçant l'implacable métronomie du
destin en marche; tout comme les vues en plongée depuis les cintres qui les
écrasent tels des insectes. Les jeux de lumière et les gros plans nous
valent de sublimes images transcendées, tout autant que la réalité crue du
travail du chanteur saisie au plus près. Le cadrage use de coupes variées et
inclut volontiers plateau et orchestre. Orchestre magnifique, attentif aux
moindres inflexions de la partition que met en valeur superbement -et
amoureusement!- un Michel Plasson aux anges, geste large, sourire
communicatif et chargé d'émotion, à la baguette à la fois libre et précise
-une main gauche toujours en mouvement semblant sculpter les notes...
Et puis, bien sûr, faut-il encore louer une distribution miraculeuse que
rien n'oblitère, que rien ne vient alourdir ou affadir: même les deux
ivrognes ne chargent point trop leur rôle! Le montage ne fait que sublimer
ce que l'on percevait en salle: Sophie ( Anne-Catherine Gillet) paraît
encore plus petit oiseau perdu, un peu dépassée par les événements mais
pleine de vivacité et de bonne humeur; le jovial Bailli d'Alain Vernhes
resplendit au milieu des enfants tandis que Ludovic Tézier s'impose dans un
rôle délicat, oscillant entre l'amitié, le despotisme, une "compréhension"
recherchée et le pur sadisme. Et puis... il y a le couple
Werther/Charlotte. L'écran rend fidèlement compte de la densité dramatique
et musicale qui habite l'un et l'autre. Jonas Kaufmann, vivant, tenaillé par
l'amour, malheureux d'aimer si fort et si vainement, aux inflexions vraies,
musique faite homme. Elle, admirable Sophie Koch, à la fois tendre,
passionnée, réservée jusqu'au baiser sur les lèvres du mourant, sachant
d'une inflexion, d'un regard laisser voir et s'exprimer tous les sentiments
qui l'animent de la joie à la souffrance, de la réalité à l'extase. Une
artiste magnifiquement "moderne", dans la droite ligne de la grande école
française. En résumé: une version idéale. |
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