Opéra, mars 2013
François Lehel
 
Référence moderne
 
Une Walkyrie de rêve
La première Journée de la Tétralogie attendait sa référence au XXIe siècle. Sans faire oublier les versions de légende des années 1950-1960, Valery Gergiev crée l’événement.
 
Enregistrée à Saint-Pétersbourg en trois fois, entre juin 2011 et avril 2012, sans rupture perceptible, cette intégrale de Die Walküre, avec sa formidable affiche, est encore supérieure à celle de Parsifal par le même Valéry Gergiev et chez la même firme Mariinsky . D'entrée, on est empoigné par la très remarquable prise de son, qui plonge, sans artifice ni grossissement indu, au cœur de l'orchestre, en tenant un équilibre parfait avec le plateau. Pour une écoute constamment avivée, et qui en serait presque renouvelée, de la partition : un exploit, dans une discographie surencombrée !

La lecture de Gergiev est admirablement travaillée et fouillée, très analytique, parfois lente, le plus souvent avec des tempi mesurés, mais jamais aux dépens de la cohésion ni de l'élan dramatique. En parfait accord avec lui, l'exceptionnel plateau fait le reste, ses incarnations puissantes donnant sans peine l'illusion de la scène, y compris pour d'excellentes Walkyries. Seul un peu en retrait, le Hunding de Mikhail Petrenko reste parfois trop léger. Le transcendant, qui suffirait à imposer l'enregistrement, est le Siegmund de Jonas Kaufmann. Mieux en situation que dans le récent DVD du Met, et l'audition seule faisant encore mieux valoir l'héroïsme grandiose du personnage, constamment envoûtant par la beauté égale du timbre, un phrasé et un raffinement de nuances dont on ne voit pas aujourd'hui l'égal. Et pourtant sans soupçon de maniérisme aucun, dans la justesse d'une constante et intense expressivité. Moins internationalement célèbre, mais Sieglinde d'expérience, Anja Kampe lui donne une réplique d'égale qualité d'émotion, vibrante, véhémente ou pathétique, sans que la rondeur de la voix n'ait jamais à en souffrir. Nina Stemme reste à son zénith, Brünnhilde d'idéal contraste, par la chaleur du sombre et riche médium. René Pape, plus animé et ardent qu'on ne pouvait l'espérer, pose un Wotan d'une grande noblesse et d'une émouvante humanité, rompant avec la brutalité, la duplicité ou le désarroi des simples «chefs de bande» qu'on a vu se multiplier, dans sa conduite soutenue et d'une extrême intelligence des longs récits. Ekaterina Gubanova, enfin, confirme sa percée parmi les Fricka du moment, l'énergie voulue répondant au beau métal d'une voix jeune, sans sécheresse ni dureté.

Si l'on n'a pas tout à fait l'aura des très grandes versions du passé, on est au premier rang de celles d'aujourd'hui !




 
 






 
 
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